Homélie du 24 décembre 2023, pour le 4ème dimanche de l’Avent - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 26 décembre 2023

Homélie du 24 décembre 2023, pour le 4ème dimanche de l’Avent

Homélie pour le 4ème dimanche de l’Avent, année B, le 24 décembre 2023, en la chapelle de la Résidence Nicolas-Roland

Ce qui s’est joué ce jour-là à Nazareth -était-ce le matin, était-ce le soir ?- est définitif. Quelqu’un de notre humanité a répondu au messager de Dieu : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Il convient d’entendre ce « tout » : « que tout m’advienne », tout ce que ta parole comporte, tout ce que ta parole annonce, tout qu’elle promet et porte en elle. En Marie, par Marie, la jeune fille de Nazareth, quelqu’un de notre humanité s’est accordé totalement à l’œuvre de Dieu, du plus profond de sa liberté et du plus large de sa personnalité. Elle avait été longuement préparée au fil de la sainteté vécue en Israël. Elle était inscrite dans la chair du peuple de l’Alliance lentement, patiemment, fermement, façonné pour être le peuple de Dieu. Dans ce peuple, elle s’inscrivait dans la lignée des hommes et des femmes de foi et de fidélité, dans la lignée des humbles vraiment fidèles à Dieu, non par l’exacerbation de leurs passions de dominer et de posséder mais par la profondeur de leur attachement et leur sensibilité à la présence agissante de Dieu dans les plus petites choses et les êtres les plus humbles. Elle avait été préparée par ce que nous, catholiques, nommons sa « conception immaculée », préservée du péché originel. Cela ne la faisait pas échapper au sort commun des humains. Tout au contraire, ce privilège lui permettait d’être unie dans la vérité de son âme à tout être humain, car c’est le péché qui sépare tandis que la grâce réconcilie et rapproche et unit. La grâce donne de prendre pour soi ce qui arrive à tout autre. Dans la rencontre de l’ange, messager du Dieu vivant d’Israël, et de Marie, se noue donc un lien définitif entre le Dieu de l’Alliance et l’humanité : Dieu a trouvé celle en qui il peut venir, dans le Fils consubstantiel, rejoindre notre vérité humaine, si abîmée, si troublée, si compliquée.

Notre époque parle beaucoup de « consentement ». On découvre socialement qu’il devrait être au fondement de toute relation. Or, nous le réentendons ce matin, frères et sœurs, les chrétiens savent depuis le commencement que le consentement est le cœur, le principe, le lieu premier de la foi, c’est-à-dire de la vraie relation à Dieu. En ce moment que nous nommons l’Annonciation, Dieu vient, à travers son messager, chercher le consentement de Marie. Comprenons-le bien : il ne vient pas lui demander la permission d’agir en elle. L’ange lui dit : « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils. » La chose est entendue et, déjà, elle est faite. Mais elle ne peut s’accomplir, elle ne peut aller jusqu’au bout, elle ne peut porter tous ses effets de grâce, de pacification, de joie, et aussi de douleur, de sacrifice, avant de parvenir à la gloire, que par le consentement libre et entier de Marie. Trop facilement, nous envisageons le consentement comme le fait d’un contrat entre deux parties supposées égales. Ici, il s’agit d’autre chose qui touche bien plus fortement à la réalité de notre vie. Lorsque Marie consent, elle accepte que se réalise en elle et par elle ce que Dieu a décidé non seulement pour elle mais pour l’humanité entière. Elle ne se pose pas en partenaire de Dieu ; elle répond : « Voici la servante du Seigneur. »

Nous avons entendu, en première lecture, le récit du deuxième livre de Samuel : David doit accepter un renversement. Il était en train de faire un projet pour Dieu : lui bâtir un temple comme lui-même s’était bâti un palais ; il lui faut accepter que sa dynastie, sa « maison », il la doive à Dieu et non pas à lui-même, pas même à sa piété, à la pure faveur de Dieu qu’il ne mérite certes pas en tout son comportement. Dieu ne sera pas l’obligé de David, et David doit accepter d’être, doit consentir à être suspendu à la volonté bonne de Dieu, sans que rien de mesurable puisse la lui assurer pour toujours. Marie s’inscrit dans la lignée de David, pas forcément dans sa lignée charnelle -cela nous est dit de Joseph- mais dans la lignée spirituelle de David converti, de David retourné, du roi qui renonce à avoir des droits sur Dieu et qui accepte de bon cœur d’être l’objet d’une grâce imméritée. Marie, elle, consent, du premier mouvement de son âme, de sa liberté, à ce que s’opère en elle et par elle une œuvre plus grande qu’elle, une œuvre qui concerne tout le peuple d’Israël et, par l’enfant qui lui est donné, l’humanité entière, récapitulant toute l’histoire des humains et la faisant déboucher.

Consentir, pour elle, donc, n’est pas fixer les règles d’une relation, détailler ce que chacun des partenaires donne et reçoit ; ce n’est pas signer un contrat. Ce n’est pas non plus s’asseoir la tête froide pour accepter ou non une proposition, et moins encore se laisser séduire par une promesse inattendue. C’est entrer avec toute son intelligence dans le grand projet de Dieu, porté depuis l’origine d’Israël ; c’est croire, avec Abraham et Moïse et David, et Sara et Déborah et Anne, la mère de Samuel, à l’action libératrice et vivificatrice de Dieu le Créateur.

Nous vivons cela dans le mariage, frères et sœurs, lorsqu’un homme et femme consentent non pas seulement l’un à l’autre mais au mariage l’un avec l’autre, c’est-à-dire à une forme de vie qui engage tout leur être à chacun et qui est proposée par Dieu. Le mariage, auquel les époux consentent, les met en relation de dépendance l’un envers l’autre, mais selon un cadre de vie institué qu’ils ne se donnent pas à eux-mêmes, qu’ils reçoivent de Dieu et dont la signification exprime la signification de l’œuvre créatrice de Dieu. Nous vivons aussi cette réalité du consentement dans la consécration de la vie religieuse ou du sacerdoce ministériel, où il s’agit d’accepter de tout son être, jusque dans sa chair, de servir l’action de Dieu qui apprend aux humains à aimer selon les dimensions de son amour à lui, révélé en Jésus.

Peut-être, frères et sœurs, puis-je vous dire ce matin ceci ? La vieillesse aussi est un état de la vie auquel il faut consentir. Elle porte sa signification en Dieu, une signification qui nous échappe souvent. Elle nous montre que notre grandeur à chacun vient d’autre chose que de nos capacités d’action et même de réflexion, même si elle s’y est exprimée et s’y est affermie en quelque façon. Elle nous oblige à accepter que la dépendance à l’égard d’autrui appartienne à notre grandeur et même à ce qui nous fait à l’image de Dieu. Le mystère de Noël est aussi cela : non pas que le Dieu vivant dépende de nous, humains, mais qu’il n’a pas honte de se remettre à notre oui, à notre consentement, qu’il cherche à s’unir à notre condition en prenant part, lui-même -c’est le sens du mot « consubstantiel » dans notre profession de foi-, à nos relations de dépendance mutuelle, celle de l’enfance se retrouvant dans celles de la vieillesse.

Dans cette maison, au cœur de notre ville, frères et sœurs, vous avez la mission en quelque façon de contempler le grand mystère de Dieu qui se fait homme et de le méditer, sans pouvoir y ajouter beaucoup, seulement en l’abritant dans votre cœur. Faites-le donc avec l’Apôtre saint Paul qui chante la « révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi ». Avec lui, donnez votre consentement « à Celui qui peut vous rendre forts selon l’Évangile qui proclame Jésus Christ », « à Celui qui est le seul sage, Dieu, par Jésus Christ, à lui la gloire pour les siècles »,

                                                                                                                                                   Amen.


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