Homélie du 20 octobre 2019 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 22 octobre 2019

Homélie du 20 octobre 2019

Homélie pour le 29ème dimanche du Temps ordinaire, année C, le 20 octobre 2019, en la basilique Saint-Remi, à Reims, lors de la journée « Foi et Lumière »

Il nous faut être attentifs, frères et sœurs, lorsque Jésus parle de Dieu, de celui qui l’a envoyé. Nous devons essayer de sentir ce qui peut habiter son cœur, parce qu’il nous livre chaque fois le cœur de son cœur, le plus intime de lui-même et ce qu’il voudrait nous partager à tous. Alors, lorsqu’il compare Dieu à un juge dépourvu de justice, sentons ce qu’il y a de douloureux en lui. « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. »

Entendons-là tout l’être de Jésus qui nous crie : « Mais non, Dieu n’est pas un juge sans justice. Dieu ne s’amuse pas à vous laisser dans vos ennuis, dans votre misère, parce qu’il aurait mieux à faire. Non, Dieu est le Père plein de tendresse, qui se mobilise sans cesse, depuis toujours et jusqu’à la fin, pour que chacun de ses élus puisse vivre pleinement. » Jésus vient pour se mettre tout entier dans la balance afin que nous sortions de nos images faussées de Dieu et que nous osions lui faire confiance. La petite parabole qui a été proclamée ce matin pour nous fonctionne comme un a fortiori : si nous pouvons croire plausible qu’un juge sans justice, qui abuse de son pouvoir, peut finir par faire justice pour se débarrasser de celle qui le supplie sans trêve, a fortiori devrions-nous avoir confiance que Dieu, le Créateur, reçoit toutes et chacune de nos demandes, en est atteint au plus profond de lui-même et œuvre pour répondre à nos appels.

Tel est le drame de la prière, frères et sœurs. Nous demandons à Dieu bien des choses et nous avons raison. Trop souvent nous sommes, pour certains d’entre-nous, dans des situations où l’organisation des hommes ne peut nous venir en aide. Nous crions vers Dieu et nous ne sommes pas exaucés visiblement. Nous demandons des choses légitimes et nous ne les recevons pas. Parfois même, il nous semble que la prière des autres est entendue et pas la nôtre. Alors, nous nous représentons Dieu comme ne s’intéressant pas à nous, ou même nous concluons qu’il n’existe pas ou que, s’il existe, son existence ne nous concerne pas, puisqu’il ne nous apporte rien de ce que nous pourrions attendre de lui. Sentons comme Jésus vibre à tout cela. Il va entrer dans sa Passion, il va subir la mort, justement pour nous persuader que Dieu est vraiment le Père qui veut notre vie et qui la veut pleinement pour chacune et chacun. Mais le grand obstacle que Dieu rencontre dans son œuvre est notre liberté humaine, la liberté intime de chacun et de chacune de nous. En Jésus nous découvrons que Dieu ne veut pas contraindre cette liberté, qu’il ne veut pas non plus passer par-dessus notre liberté. Il ne veut rien faire qu’en passant par notre consentement, pour nous et pour les autres. Que sommes-nous prêts à consentir les uns pour les autres ? Que sommes-nous prêts à désirer les uns pour les autres ? Si nous pensons être dans la vie du côté de la veuve qui réclame son droit, le sommes-nous pour nous-mêmes seulement ou avant tout ou pour tous ?

Dans ce dimanche d’automne pluvieux mais à quelques jours de la fête de tous les saints, voilà, frères et sœurs, la question que le Seigneur nous adresse : suis-je prêt à regarder Dieu comme un Père en la bonté de qui je mets ma confiance parce qu’il ne veut que mon bien, ou bien les événements de ma vie font-ils que je le regarde toujours un peu comme un tyran auquel il faudrait soutirer des faveurs et dont il faudrait se garder s’il s’intéressait trop à moi ? Nous avons entendu l’apôtre saint Paul livrer ses ultimes conseils à son disciple Timothée. Il le renvoie aux saintes Écritures : « Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice » et l’apôtre conclut : « Grâce à elle, l’Écriture, l’homme de Dieu sera accompli, équipé pour faire toute sorte de bien ».

Les Écritures saintes d’Israël dont nous héritons par les apôtres dans l’Ancien et le Nouveau Testaments ne sont pas des formules magiques destinées à nous procurer la santé, la prospérité, ni à nous garantir l’amour de notre époux ou de notre épouse et de nos enfants, et pas davantage l’humiliation de nos ennemis. Les Écritures racontent une histoire, une histoire complexe, celle de Dieu qui s’approche des hommes, un à un, personnellement, pour les tirer de la vie qui a pour horizon la mort à la vie dont l’horizon est la communion éternelle avec Dieu et avec tous les autres. Au long de cette histoire, les Écritures font ressortir la capacité magnifique des êtres humains d’entrer dans ce dessein de Dieu et non moins leur capacité redoutable de le refuser ou de le pervertir. Saint Paul rappelle à Timothée et par conséquent à nous tous, qui voulons apprendre à « honorer Dieu » – ce que veut dire le nom de Timothée-, que les Écritures sont à méditer, elles requièrent notre travail pour nous conduire à la sagesse, car nous devons essayer de comprendre ce qu’elles racontent à la lumière de Jésus, venu partager notre condition humaine, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre vie. Le fruit de cette méditation et de cette sagesse n’est pas que nous soyons les plus riches ou ceux qui sont en meilleure santé ici-bas, ni ceux qui ont la vie la plus heureuse selon les critères de la vie mortelle, mais que nous soyons « équipés pour faire toute sorte de bien. » Un certain nombre de chrétiens, réfléchissant sur notre foi et sur son vocabulaire, n’aiment pas entendre qualifier Dieu de « tout-puissant ». Ils ont l’impression que l’Église entretient l’idée d’un Dieu qui viendrait résoudre tous nos problèmes, alors que l’expérience des siècles est bien autre. Ils ont raison et ils ont tort. Car, dans notre prière, en particulier dans la messe, lorsque nous qualifions Dieu de « tout-puissant », c’est pour lui demander de changer notre cœur : « Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde ». Nous ne demandons pas à Dieu de se mettre à notre service, nous lui demandons de transformer notre liberté pour que nous soyons en toutes les dimensions de notre être de porteurs de vie, de lumière, de pardon, de paix pour les autres, des serviteurs donc de son œuvre à lui. Cela, Dieu ne cesse pas de travailler à nous le procurer, mais il lui faut se battre contre nos résistances et celles de tous les êtres humains, il lui faut traverser l’épaisseur obscure de nos libertés à tous marquées par le péché. Immense labeur donc, pour lequel il compte sur chacun de nous, immense labeur accompli et réussi en Jésus de Nazareth, notre Seigneur, de sorte qu’il peut être mené à l’échelle de tous les hommes.

« Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » La question peut nous inquiéter, frères et sœurs, en ces temps de sécularisation si forte des esprits et des cœurs. Nous pouvons cependant, je crois, oser répondre « oui ». D’abord parce qu’il y a eu la Vierge Marie et tous les saints et saintes, ceux qui sont connus et toutes celles et tous ceux dont la foi échappe à nos regards. Aussi parce que tant que quelques-uns dans l’humanité célébreront l’Eucharistie, ils porteront devant le Père l’immense attente de tous les êtres humains que leurs cœurs soient transformés pour servir l’œuvre de Dieu en vérité. Dieu, le Dieu vivant, mène pour cela un combat à l’échelle de l’histoire humaine entière. Mais Jésus, mort et ressuscité, se tient à jamais pour nous sur la montagne, les mains levées vers le Père, et Marie et les saints sont avec lui, et toute femme, tout homme, si humble et impuissant qu’il ou elle puisse être, qui adhère, même sans tout comprendre, mais avec confiance, à l’histoire que les Écritures saintes nous racontent et dont Jésus est la clef.

Frères et sœurs, la vie de la foi, la vie dans la foi, a toujours un aspect de combat et tout combat est éprouvant. Mais les mains de Jésus clouées sur la croix ne relâcheront jamais leur effort, mais l’engagement du Père tout-puissant pour venir nous ramener à lui ne cessera jamais, mais le plus humble mouvement de foi, d’espérance et de charité, sert à tirer l’histoire entière des hommes vers la vie pour toujours. Ne soyons donc pas inquiets, soyons généreux avec Dieu et en Dieu,

                                                                                                                                          Amen.

+ Eric de Moulins-Beaufort


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