Homélie du 1er mai 2024, pour la fête de saint Joseph, travailleur - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 2 mai 2024

Homélie du 1er mai 2024, pour la fête de saint Joseph, travailleur

Homélie pour la fête de saint Joseph, travailleur, le mercredi 1er mai 2024, en l’église Notre-Dame de Neuvizy, lancement du pèlerinage et 3ème jour de la marche pour les vocations

« D’où lui viennent cette sagesse et ces miracles ? N’est-il pas le fils du charpentier ? » Frères et sœurs, au jour du 1er mai, devenu fête du travail mais ouvrant aussi le mois de Marie, l’Église nous invite à contempler saint Joseph. Le travail est cette dimension étonnante de nos vies que l’on célèbre en se reposant. Le travail est nécessaire à nos vies parce que ses fruits, ses résultats, nous permettent de goûter la bonté de cette vie. Du moins est-ce l’idéal. Le 1er mai a été au point de départ un jour de mémoire de conflits sociaux ayant conduit à la mort d’ouvriers manifestants. Il s’est imposé comme la mémoire du prix que certains ont payé pour que les ouvriers, ceux qui travaillent sans être propriétaires des fruits de leur labeur, obtiennent des conditions de travail dignes d’êtres humains, c’est-à-dire leur permettant de vivre et pas seulement de survivre et d’offrir à leur femme et leurs enfants l’espoir d’un travail épanouissant.

En nous proposant saint Joseph comme modèle, l’Église nous rappelle surtout que Jésus a travaillé. Il a exercé un métier demandant une certaine compétence, supposant d’entrer en relation avec d’autres, de comprendre ce qu’ils veulent : une maison, car le charpentier construisait des maisons, ou des meubles si rudimentaires soient-ils. Plus profondément, pour accueillir le Fils de Dieu venant dans notre condition humaine, n’a pas été choisi un homme exerçant un métier intellectuel, ni, il faut le noter ici, un agriculteur, si nombreux pourtant en Palestine en ce temps-là, pas davantage un commerçant ou un industriel, mais un charpentier de village, un homme qui ne produisait peut-être pas directement sa propre nourriture mais qui en aidait d’autres à construire leur maison et leur équipement de base. Jésus a pris et exercé le métier de son père. Il l’a exercé une vingtaine d’années, jusqu’à atteindre à peu près ses trente ans.

Revenu dans « son lieu d’origine », il n’a sûrement pas honte de s’entendre appeler « le fils du charpentier ». Cela désigne au contraire un métier noble, intéressant, un service rendu aux autres. En grec, de plus, ce métier porte le nom de technê, qui donnera notre technique et la Bible, en un endroit au moins, qualifie la sagesse du Dieu créateur de technê. Le charpentier, en construisant des charpentes de maison, même très simples, contribue à ordonner le monde, à le rendre habitable par les humains, pour que ceux-ci s’y trouvent bien, protégés des animaux comme de la pluie ou du vent. Jésus, le Sauveur, n’a pas dédaigné d’exercer pendant une vingtaine d’année ce travail et de gagner ainsi sa vie en subvenant à ses besoins et aux besoins de sa mère. Nous pouvons tirer de là, frères et sœurs, un regard positif sur le fait d’exercer un métier, sur le travail en général, sur l’ensemble des activités qui permettent à tous et à chacune et chacun d’avoir un lieu où habiter et les moyens de goûter un peu la bonté de la création.

Mais l’épisode qui nous est rapporté par l’évangile indique autre chose. Il y a eu une rupture. Jésus a quitté son métier, il s’est mis à faire tout autre chose. Il s’est fait l’évangéliste du Royaume, le porteur de la bonne nouvelle du Royaume tout proche. D’où l’étonnement, et peut-être le scandale, de ses compatriotes. N’aurait-il pas mieux à faire ? Ne devrait-il pas s’occuper de sa mère et de ses frères et sœurs ? Et encore, comment prétend-il parler de grandes choses, évoquer ce qui concerne l’humanité entière, faire la leçon à tout le monde alors qu’il est simplement l’un de nous, sans qualification qui le mette au-dessus des autres ? Alors que nous sommes engagés dans une marche de prière pour les vocations, il nous faut entendre ces interrogations, frères et sœurs. Car, au long des siècles, elles ont retenti.

Des familles ont été heureuses et fières qu’un fils devienne prêtre ou religieux, qu’une fille devienne religieuse. Mais combien d’autres se sont demandé ce qu’un tel choix de vie signifiait. Ne serait-il pas une manière de fuir le travail, ses contraintes, ses fatigues, ses peines, ses joies humbles mais coûteuses ? Au fil des siècles et aujourd’hui dans d’autres pays que le nôtre, il a pu sembler et il peut sembler que devenir prêtre ou religieux ou religieuses soit une manière de mener une vie plus facile, dégagée de beaucoup de soucis, notamment celui de faire vivre une famille, pour une tâche surtout intellectuelle, qui ne coûte pas grand-chose au corps, qui ne le déforme pas ni ne l’use trop. On peut avoir l’image du prêtre comme d’un homme donné, toujours disponible, portant les autres sans souci de soi-même ; on peut avoir l’image d’un homme un peu paresseux, occupé par lui-même, pas facile à entraîner là où il n’a pas envie d’aller. On peut voir les religieuses comme des femmes tôt levées, tard couchées, toujours occupées, trouvant le temps de prier longuement entre deux tâches très prenantes, ou bien les voir comme des femmes vivant paisiblement, à leur rythme, que l’on ne peut guère venir troubler.

La vérité est que Jésus, lorsqu’il revient dans son lieu d’origine, est en route vers sa Passion. Il vient ouvrir même les siens à la vie plus haute, plus forte, qu’il incarne, qui n’est pas la vie dans le ciel des idées mais le don de soi consenti, préparé, mûri dans le quotidien des jours. Le Royaume dont il annonce qu’il est proche n’est pas le rêve d’une vie facile et douce, mais l’engagement de tout son être dans le pardon, dans la pacification des cœurs et des esprits, dans la consolation à apporter à celles et ceux qui souffrent, dans l’espérance à porter au plus près de celles et ceux qui sont dans le malheur, que notre vie humaine débouche dans la vie en plénitude. Il s’agit pour Jésus d’aller au bout de son être de Fils du Père, envoyé pour amener les humains à vivre selon l’alliance avec Dieu, le Créateur, à vivre en porteurs de la bonté, de la beauté, de la vérité de Dieu. Il s’agit pour Jésus de laisser façonner son humanité pour qu’elle exprime totalement son être de fils, dans le don qu’il fait de lui-même. Ceux et celles que Jésus appelle à sa suite, celles et ceux qu’il associe à sa mission, ont à apprendre à élargir l’espace de leur cœur, à consentir à donner plus qu’ils n’ont, à façonner leur humanité non pour qu’elle soit à leur mesure mais pour qu’elle soit à la mesure de Dieu qui donne et se donne, sans se ménager.

Nous avons entendu saint Paul, dans sa lettre aux Colossiens, décrire cette manière de vivre si neuve et si ancienne : « Par-dessus tout, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait. Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ… Vivez dans l’action de grâce… Quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur. » Tout cela peut paraître simple, évident, désirable. Nous savons tous que vivre ainsi demande un travail intérieur, une concentration de nos forces, de nos énergies, une unification de nos désirs. Tous y sont appelés, mais certains sont appelés à y encourager les autres. Il s’agit d’une vocation, c’est-à-dire d’un appel, pas d’un choix que l’on fait soi-même pour soi-même. Jésus n’appelle certains à se mettre à l’écart pour faire la leçon aux autres ; il les appelle à se laisser unir à son mouvement intérieur à lui, à accepter d’avoir comme travail principal, non de construire un espace de confort et de repos pour eux et pour quelques autres, mais de se laisser associer à l’offrande qu’il fait de lui-même, pour que tous les efforts les plus terrestres puissent déboucher dans la vie éternelle. Nous avons à prier pour les vocations, c’est-à-dire à désirer que certains parmi nous vivent plus immédiatement du Christ Jésus, comme le Seigneur Jésus, et nous rappellent, non tant par leurs mots que par leur exemple, que nous avons à vivre non pour nous construire un espace de confort et de paix pour nous, mais en vue de la communion éternelle avec Dieu et avec tous les autres. Nous avons à désirer que certains parmi nous soient mis à part pour qu’à travers nous sentions le Seigneur Jésus revenir vers nous et nous entraîner avec lui, dans le travail intérieur toujours à parfaire pour notre vie et celle de tous les autres. Nous avons à demander que certaines et certains parmi nous nous rappellent toujours la réalité du Royaume qui vient et son urgence et sa joie ouverte à tous.

Que l’intercession de notre Dame, ici à Neuvizy, nous obtienne les prêtres et les personnes consacrées dont nous avons besoin pour être vraiment l’Église de Jésus. Que saint Joseph suscite parmi nous des hommes et des femmes capables de répondre avec générosité et force. Que notre prière à tous monte vers le maître de la moisson,

                                                                                                                          Amen.


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