Homélie du 1er décembre 2019, 1er dimanche de l'Avent - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 1 décembre 2019

Homélie du 1er décembre 2019, 1er dimanche de l’Avent

Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent, année A, le 1er décembre 2019, en l’église Saint-André, à Reims, confirmation de lycéennes

« L’un sera pris, l’autre laissé », « l’une sera prise, l’autre laissée ». Nous voyons cela ce matin, frères et sœurs, en contemplant nos jeunes amies qui se tiennent devant l’autel pour recevoir le sacrement de confirmation. Au terme d’un cheminement qui a été très singulier pour chacune d’entre elles mais dans lequel elles se sont aussi soutenues et accompagnées mutuellement, elles ont l’audace de demander à Dieu de les confirmer dans leur dignité de filles du Père, de filles bien-aimées du Père, revendiquant pour elles le privilège du Fils unique, celui qui vient en ce monde, envoyé par le Père, Jésus, notre Seigneur. D’où leur vient cette audace ? Pourquoi peuvent-elles s’avancer ainsi sans crainte d’être rejetées ? Il y a eu des époques, encore toutes proches, nous le savons, où une grande majorité d’une classe d’âge recevait tous les sacrements de l’initiation : baptême, Eucharistie et même confirmation, sans se poser beaucoup de questions. En ces temps où nous sommes, seuls s’approchent ceux ou celles à qui il a été donné de goûter la joie d’appartenir au Christ et de le suivre, la lumière que le Seigneur apporte à nos existences en nous rendant capables d’identifier le poids de chaque moment, la responsabilité contenue dans chaque acte, la liberté possible pour aller vers le meilleur. En s’avançant ainsi, nos jeunes amies dévoilent quelque chose de la qualité de leur âme, et cela justifie la fierté de leurs parents et de nous tous ce matin en les voyant, mais elles savent qu’elles répondent à une grâce particulière du Dieu vivant. Du fond d’elles-mêmes est monté un désir qui n’est pas le leur d’abord, mais celui de Dieu ou, plus précisément, celui du Seigneur ressuscité qui veut les associer à lui comme des membres vivants et actifs de son Corps, pour que brillent en ce monde la bonté et la promesse du Père. Vus de loin, peu de choses distinguent deux hommes dans les champs, courbés par leur travail ou deux femmes au moulin, poussant la meule, mais Celui qui vient, lui, voit ce qu’il y a dans chaque cœur, il voit le secret de chaque âme et il appelle chacune, selon ce qu’elle a d’unique, à œuvrer avec lui pour le Père.

Comment, en effet, entendons-nous les paroles de Jésus qui viennent d’être proclamées ? Il évoque le grand drame initial du déluge qui a pris l’humanité par surprise ; il exhorte à veiller car, dit-il, « vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient ». A quoi songeons-nous ? A la mort, qui peut frapper quiconque à tout moment, par la maladie, par un accident, par une catastrophe naturelle comme un tsunami, par un acte violent, par une guerre ? Tout moment de nos vies terrestres est marqué par la fragilité possible, par la fin qui peut brusquement s’imposer, sans que rien le laisse prévoir. Vivons-nous cette condition dans l’insouciance ou la vivons-nous dans la peur ? Toute époque de l’histoire a des allures de fin du monde : nous entendons parler sans cesse de catastrophes naturelles qui peuvent venir d’un coup ravager l’œuvre de plusieurs générations, notre époque peut être vue par certains comme un temps de lourdes menaces ou de décadence avancée. Vivons-nous cela dans la crainte, dans la désespérance ? Nos jeunes amies, ce matin, nous montrent une autre manière de comprendre la caducité de tout moment. Car, frères et sœurs, est-il juste que nous soyons comparés à des maîtres de maison qui craindraient la venue d’un voleur ? Il me semble entendre l’immense humilité du Seigneur Jésus qui consent à prendre la figure du voleur qui compte profiter de la vigilance relâchée du maître de maison pour lui dérober ses biens, alors qu’il est, lui, fondamentalement, l’Époux qui vient combler l’humanité et chacune et chacun en elle. Le temps de l’Avent ne nous invite pas à regarder vers la fin avec peur ou avec résignation ; il nous invite plutôt à réaliser qu’au long de notre vie terrestre, nous avançons au-devant de Celui qui est venu et qui vient encore à notre rencontre, et qui aspire à être accueilli chez nous et en nous, comme une épouse attend son époux rentrant de voyage, comme des enfants s’endorment en rêvant à leur père qui rentrera dans la nuit. L’Esprit-Saint vous est donné en plénitude, chères amies, pour que vous puissiez mener votre vie non pas sous l’horizon de la mort et du fait que toute chose ici-bas, après un temps d’épanouissement, s’use et tend à disparaître, mais sous l’horizon élargi de la promesse de Dieu qui nous appelle à la communion avec lui et entre tous, selon la grande vision du prophète Isaïe : « Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la maison du Seigneur se tiendra plus haut que les monts, s’élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux ». L’avenir de l’humanité n’est pas seulement dans le chaos, dans l’affrontement, dans la concurrence effrénée des peuples pour leur survie. Mystérieusement, parfois de manière visible, souvent de manière peu perceptible, par la force de l’Esprit de Dieu agissant dans l’histoire, suscitant des âmes renouvelées, l’humanité marche vers une unité intérieure qui dépasse tout ce que nous pouvons construire ici-bas, l’immense et redoutable diversité des êtres humains qui rend possibles tant d’affrontements prépare aussi une communion dans une profondeur que nous ne connaissons pas encore ; la quête des êtres humains des moyens de leur survie et de leur confort, la recherche d’une vie excitante, annoncent l’intensité de nos existences en Dieu, lorsqu’elles seront prises dans le jaillissement de vie de la Trinité sainte. L’Esprit-Saint vous est donné ce matin et il nous est offert à tous pour qu’à travers la modestie de nos vies nous contribuions à tourner l’humanité, en chacun de nous déjà et dans les liens que nous parvenons à créer, vers cette perspective immense.

Alors, frères et sœurs, croyons-le : « Le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants ». L’Avent, chaque année, nous rappelle non pas que le temps de Bethléem s’éloigne, les années s’ajoutant aux siècles depuis 2000 ans, mais que la marche de l’humanité, par-delà toute apparence, est une marche vers le salut, vers la vie en plénitude, vers l’accomplissement des promesses. Notre vie à chacun, notre vie de baptisés et confirmés, est un progrès, ou du moins une progression, un élargissement, un approfondissement, qui nous permettent d’être plus proches du Seigneur, plus ouverts à sa venue, davantage porteurs de sa présence pour les autres que lorsque nous étions des enfants pleins d’innocence. Chaque fois que nous nous rassemblons pour célébrer l’Eucharistie, et tout spécialement l’Eucharistie dominicale, nous nous arrêtons devant les portes de Jérusalem, nous accédons à la maison du Seigneur, nous nous préparons à être accueillis dans sa demeure. Comme le psalmiste de jadis arrivant devant la ville après quelques jours de marche, venant au Temple avec tout Israël pour célébrer la fête de pèlerinage, nous prions les uns pour les autres : « A cause de mes frères et de mes proches, je dirai : ‘’Paix sur toi !’’ A cause de la maison du Seigneur notre Dieu, je désire ton bien’’ ». Chères amies qui vous présentez ce matin pour que Dieu le Père vous confirme par le don de l’Esprit-Saint en sa plénitude, nous prions pour vous avec joie. Vous venez enrichir notre marche commune, vous venez fortifier le Corps que nous formons déjà. En vous recevant comme des sœurs remplies de l’Esprit de Dieu, nous contemplons l’œuvre de Dieu qui progresse à travers l’humanité, nous voyons déjà ce que vous apporterez, dans le secret de vos vies, à la communion pour laquelle Dieu agit. Dans les temps troublés que nous vivons parfois et que nous vivrons peut-être, nous recevons de vous l’espérance que « la nuit est bientôt finie », que « le jour est tout proche », qu’il vaut la peine de vivre non pas dans la tristesse de la débauche et des beuveries, mais dans la lucidité, dans des choix libres et raisonné pris dans l’espérance de la victoire de l’Époux, lui qui ne cesse de venir à nos devants, dans la discrétion et la force de son Eucharistie,

 Amen
+ Éric de Moulins-Beaufort


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