Homélie du 1er avril 2024, pour la messe du saint Jour de Pâques - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 2 avril 2024

Homélie du 1er avril 2024, pour la messe du saint Jour de Pâques

Homélie pour la messe du saint Jour de Pâques, le 1er avril 2024, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

« On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Ce fut, à en croire l’évangéliste saint Jean, le premier cri de ce matin-là, à Jérusalem. Un cri qui venait ajouter à l’atroce douleur de ces jours, un cri qui semblait en rajouter sur les malheurs du monde pour Marie Madeleine et pour Pierre et les autres disciples et quelques autres encore dont Jésus avait porté les espoirs et l’espérance pour Israël. Pourtant, tout allait basculer. Tout avait déjà basculé. Ce cri allait se transformer en bonne nouvelle, en évangile, en proclamation joyeuse et puissante, en cri de victoire promis à parcourir le monde et à le bouleverser.

Qu’ont-ils eu, ce matin-là, les deux disciples pour accéder à la joie de la Résurrection ? Très peu de choses : un tombeau vide, des « linges posés à plat », un « suaire roulé à part à sa place ». Non pas un désordre, mais un ordre. Non pas les traces d’un enlèvement mais le signe d’une mise en ordre. C’est ce que vit la première fois le disciple, peut-être plus jeune, en tout cas plus rapide que Pierre. Il était pressé, pressé d’aller vérifier la nouvelle inquiétante portée par Marie Madeleine, pressé intérieurement sans doute, lui, « le disciple que Jésus aimait », mais il a su attendre Pierre, il a su respecter un certain ordre. Lorsqu’il entra enfin, il vit ce qu’il avait vu en se penchant et aussi Pierre, désormais lui aussi dans le tombeau. « Il vit, et il crut. »

Hier soir, frères et sœurs, l’évangile de la Vigile pascale nous a fait entendre le récit du matin de Pâques selon saint Marc : lorsque les femmes arrivent au tombeau, elles trouvent la pierre roulée, si bien qu’elles peuvent entrer, et elles ne trouvent pas Jésus, ni mort ni vivant, mais un « jeune homme vêtu de blanc », qui leur dit : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : ‘’Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit. » « Allez dire à des disciples et à Pierre » : dans la bouche du jeune homme, cette parole sonnait comme un pardon pour Pierre, le disciple qui avait renié trois fois, et comme une remise en charge : Pierre, le rocher, le roc, celui qui, le premier et au nom de tous, avait confessé : « Tu es le Christ », c’est-à-dire le Messie d’Israël, celui qui est empli de l’Esprit de Dieu pour conduire le peuple dans la justice et la droiture. Ce que voit le disciple aimé donc, ce ne sont  pas seulement des linges rangés, ordonnés, c’est Pierre, une personne, l’apôtre choisi et, avec lui, tous les autres, ceux qui ont été préparés pour porter la bonne nouvelle, un de ces « témoins choisis d’avance », comme nous l’avons entendu le dire lui-même, pour témoigner de l’incroyable, pour attester de ce qui dépasse toute attente, ceux qui avaient entendu sans comprendre Jésus annoncer qu’il allait souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, trois jours après, ressusciter (cf. Mc 8, 31). « Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon les Écritures, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. »

Il leur faudra encore du temps. Il y faudra encore, pour que tous les disciples croient, que Jésus vienne, une fois, deux fois, plusieurs fois, au milieu d’eux. Les sculptures de la façade de notre cathédrale racontent à qui veut les regarder les rencontres pascales : celle de Marie Madeleine et de Pierre, du côté Sud, celle des disciples d’Emmaüs, autour de la rosace, celle de l’ange du matin et celle de Thomas et du Ressuscité huit jours plus tard, à la tour Nord, et celle de Paul avec Ananie pour être baptisé, du côté Sud de la tour Sud. Nos aïeux auraient pu en sculpter quelques autres. Il faut du temps et du travail pour réaliser que la Résurrection de Jésus n’est pas une illusion, mais la clef de cohérence de l’histoire des humains. Il faut et il a fallu aux premiers disciples tout un travail au long des Écritures d’Israël. Ce travail, la liturgie de la Vigile pascale nous l’a fait faire, dans la nuit, en parcourant les grands textes et les grandes étapes de l’histoire de l’Alliance du Dieu vivant avec ce peuple-là, les quatre nuits et quelques autres par lesquelles il faut passer pour entrer dans la foi. Car il ne suffit pas d’accumuler des apparitions ou des miracles. Il y faut surtout un regard nouveau, une nouvelle manière de voir et de comprendre. Il faut pour cela renaitre, comme l’ont fait hier les catéchumènes, comme nous l’avons fait lors de notre baptême si nous avons été baptisés ; il faut naître à nouveau pour voir et croire, pour voir et comprendre comment la Résurrection donne à tout, et malgré le chaos et tout le malheur du monde, une cohérence nouvelle. Tout change parce que, désormais, la force la plus puissante dans l’histoire, ce n’est pas la force organisée des empires et des États, ce ne sont pas les puissantes fatalités de l’économie qui jouent de nos besoins de prédation, d’accaparement et de domination, ce ne sont pas les excitants si efficaces pourtant de l’existence humaine que sont la violence, la concupiscence, la soif de savoir et de maîtriser ; la force la plus puissante, c’est la capacité de renoncer à soi pour le service d’un autre, la capacité de choisir la vérité quitte à perdre pour un moment plutôt que le mensonge qui paraîtrait faire gagner, la capacité à regarder autrui comme un frère ou un sœur à aimer plutôt que comme un adversaire ou un concurrent ou comme un objet de mépris.

Parfois, frères et sœurs, le malheur ou les malheurs du monde sont si grands, ils pèsent si lourds sur nous ou sur d’autres que nous aimons ou voudrions aimer, que nous doutons. Notre époque, comme bien d’autres, accumule les sujets d’inquiétudes et d’angoisse. Nous sommes plus conscients que jamais que l’Église elle-même, l’Église issue de la Résurrection, l’Église qui porte le message du Ressuscité, peut ajouter aux malheurs du monde. Mais le plus étonnant n’est pas qu’il y ait du désordre et de la brutalité et de la médiocrité et de la colère et des crimes dans le monde. Le plus étonnant est que, même dans les lieux des pires horreurs, des hommes, des femmes sont capables de donner ce dont ils sont privés, de partager ce qui leur suffit à peine, de tendre la main à un ennemi tombé en détresse, de donner de leur temps, de leur énergie, de leur affection même à d’autres à qui ne les lie aucune obligation visible. Ces faits-là existent, il nous faut apprendre à les voir. Ils nous signalent la vérité de l’histoire, ils nous annoncent ce qui est plus réel que la réalité, ils nous donnent d’entrevoir ce que Jésus, « établi Juge des vivants et des morts » tirera au grand jour.

Lorsque, quelques mois après ce jour-là de Pâques, celui de la Résurrection, Pierre a eu à parler de Jésus, nous l’avons entendu, il a eu ces mots tout simples : « Là où il passait, il faisait le bien », mais il l’avait désigné comme celui à qui Dieu « a donné l’onction d’Esprit-Saint et de puissance », car le bien qu’il faisait était le bien selon Dieu. Il n’y suffit pas de bonnes dispositions, d’un heureux tempérament. Il ne le suffit pas en nous, bien moins encore. Il nous faut une guérison, un renouvellement intérieur. Il faut qu’en nous soit semé un principe nouveau, qui ne vient pas de nous, qui vient de Jésus, Crucifié à cause de nous, ressuscité pour notre vie.

Saint Paul affirme que « notre vie est cachée en Dieu, en Jésus-Christ ». Frères et sœurs, voulons-nous croire en la Résurrection ? Voulons-nous croire dans le Ressuscité ? Cherchons la vérité de notre vie, non dans ce qui est mesurable ici-bas, mais en ce que Jésus, le Crucifié Ressuscité, peut en recueillir, en ce qu’il peut reconnaître sien et tirer à lui vers son Père. « Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur ! »,

                                                                                                                                             Amen.


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