Homélie du 19 novembre 2023, journée mondiale des pauvres - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 20 novembre 2023

Homélie du 19 novembre 2023, journée mondiale des pauvres

Homélie pour le 33ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 19 novembre 2023, en la permanence du Secours catholique, rue des Poissonniers (Reims), journée mondiale des pauvres.

Lorsque nous entendons une parole de Jésus, il est bon que nous soyons persuadés que Jésus parle pour nous consoler, pour nous fortifier, pour nous guérir et nous conduire à plus de vie. Il arrive qu’il nous avertisse sans doute, mais nous nous tromperions si nous comprenions ses paroles comme formulant des menaces en vue de nous convaincre de faire le bien ou de faire le bon choix. L’obéissance par la peur n’intéresse guère Jésus et moins encore le Père qui l’a envoyé. Alors, frères et sœurs, comment entendre la parabole qui vient de nous être proclamée, celle que nous appelons souvent « la parabole des talents ». En quoi nous console-t-elle, nous encourage-t-elle, nous fortifie-t-elle ?

Au début, c’est facile : « Très bien, serviteur bon et fidèle… entre dans la joie de ton seigneur. » Voilà qui est doux et fortifiant. Les deux premiers serviteurs ont fait fructifier ce qui leur avait été confié, le doublant en valeur ou en volume, et ils entendent ces qualificatifs encourageants : « serviteur bon et fidèle », et cet appel magnifique : « entre dans la joie de ton seigneur ». La joie du seigneur est si grande, si belle, si pure, qu’il est possible d’y entrer et d’y être dilaté : « dans la joie de ton seigneur. » Ce que le maître confie, il est possible de lui faire porter du fruit et le résultat dépasse toute espérance : non pas seulement recevoir une récompense mais s’unir au plus intime de la vie et de la joie du Seigneur, en qui nous reconnaissons facilement le mystère le plus intime de Dieu.

Néanmoins, qui a entendu cette parabole ne peut pas rester indifférent à ce qui concerne le troisième serviteur. Là, qu’y a-t-il de consolant ou d’apaisant ? A défaut de travailler, il rapporte exactement ce qu’il a reçu et sa récompense n’en est pas une : elle est un rejet pur et simple, une confiscation qui le réduit à presque rien. Que devons-nous y comprendre ?

Notons que le serviteur est jugé selon ce qu’il comprend du maître : « Tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu… » Entendue en général, l’attitude du maître paraît effectivement effrayante. Mais quel maître est ainsi ? Quel tyran ? Qui connaissons-nous qui se comporte d’une telle manière, attendant de trouver du grain là où rien n’a été semé ? Eh bien, le seul sans doute est Dieu, Dieu tel que l’histoire sainte d’Israël nous le fait connaître, Dieu le Père dont Jésus se dit l’envoyé. Lui veut aller chercher la moindre brebis là où il ne devrait pas y avoir de brebis, et c’est par miséricorde ; lui va chercher le moindre grain là où son nom n’a pas été proclamé et c’est pour sauver chacune ou chacun, tous un à un, par le moindre mouvement d’amour, de don de soi, de renoncement à soi qui pourrait le permettre. Si les serviteurs sont les serviteurs de l’œuvre du salut, alors nous comprenons mieux, nous comprenons même bien pourquoi il est important que ces serviteurs-là se démènent, qu’ils se donnent eux-mêmes avec courage et générosité pour que la grâce de Dieu, le don de Dieu, puisse atteindre tout être humain et pour que partout un grain puisse être moissonné et qu’aucune paresse ne leur soit autorisée.

Dans la parabole, il est question de talents. De talents, d’abord au sens d’une monnaie du monde grec, mais une monnaie. Un talent équivaudrait à une année de travail dans l’Antiquité. A ce compte, ce que le maître confie est considérable, qu’il confie cinq ou deux ou un seul talent. Toujours sa confiance est immense et ce qu’il confie dépasse l’imagination. Que l’on reçoive un ou deux ou cinq talents, on se trouve comme submergé par la confiance généreuse du maître. Que veut nous faire comprendre Jésus, que cherche-t-il à nous aider à réaliser ? Peut-être tout simplement ceci : Dieu compte sur nous. Dieu est comme le maitre qui part en voyage. Il ne nous abandonne pas mais il nous confie chacun à soi-même et tous les autres à chacune et à chacun. Peu importe la grandeur de nos responsabilités terrestres, chaque être humain est à l’image et à la ressemblance de Dieu, chaque être humain est comme infini. Or chacun est confié à tous les autres et chacune, chacun, reçoit la charge de lui-même ou d’elle-même. Qu’allons-nous en faire ? Nous arrêter, ne plus bouger, attendre les bras croisés le retour du maître ou bien tâcher de faire fructifier ce que nous avons reçu, déployer l’image de Dieu qui est en nous, partager avec les autres ce que nous avons reçu et ce que nous avons découvert.

Alors, frères et sœurs, regardons-nous, ici rassemblés, en ce matin. Nous sommes confiés les uns aux autres. Chacun, chacune doit veiller sur lui-même ou elle-même bien sûr, mais aussi sur tous les autres. Qui resterait dans son coin, refermé sur lui-même, refusant toute relation, ne répondant pas même par un sourire. Nous avons peu à nous donner les uns aux autres mais ce peu est immense puisque c’est notre présence à chacune et à chacun, l’ouverture de notre cœur à autrui, à chaque autrui ici présent. Nous n’attendons pas d’une rencontre pareille plus d’argent sur notre compte en banque ni sur le compte en banque de qui que ce soit, et pourtant nous espérons bien rentrer chez nous enrichis, dilatés. Nous espérons bien goûter quelque chose de l’expérience que Jésus décrit lorsqu’il invite : « Entre dans la joie de ton seigneur. » Nous vivons cela, croyons-nous, chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, et nous en goûtons une sorte de prémices dans tout repas partagé avec amitié : la joie nous précède, c’est nous qui entrons en elle pour y être dilatés.

Deux choses encore :

  • Dieu compte sur chacune et sur chacun de nous. Tous, nous sommes appelés à être comme la femme parfaite du livre des Proverbes : « Elle tend les mains vers la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s’ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux » et tous, nous avons à éviter d’entendre un jour le Seigneur parler de nous comme d’un « serviteur bon à rien ». Mais être un serviteur « bon et fidèle » ne veut pas dire forcément être un homme ou une femme habile en ce monde-ci, doté de hautes compétences et capables d’occuper une position sociale considérée comme belle. Être une femme parfaite veut encore moins dire tout platement être une épouse dévouée occupant son rang social. Il s’agit plutôt de travailler l’image de Dieu que nous sommes chacun, chacune, et de la faire briller en nos beautés et en nos misères, l’image de Dieu que Jésus va dévoiler jusqu’au bout sur la croix, ne l’oublions pas ;
  • Entendons encore l’apôtre saint Paul : « Vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour », des filles de la lumière et du jour tout autant. Si nous faisons attention à nous rendre présents les uns aux autres, si nous tâchons de servir dans ceux et celles que nous rencontrons l’image de Dieu en eux, alors nous n’aurons pas à craindre le jour du jugement et moins encore celui de la venue de Jésus dans la gloire. Ce jour-là ne nous surprendra pas comme un voleur puisque nous y vivrons déjà de ce qu’il viendra nous apporter : la joie du seigneur, joie qui vient du partage de ce que nous sommes et de l’accueil de ce qui peut nous être donné.
  • Alors, « soyons vigilants et restons sobres », comme le recommande saint Paul,

                                                                                                            Amen.


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