Homélie du 17 décembre 2023, pour le 3ème dimanche de l’Avent - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 18 décembre 2023

Homélie du 17 décembre 2023, pour le 3ème dimanche de l’Avent

Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent, année B, le 17 décembre 2023, en la chapelle des Sœurs Franciscaines Réparatrices de Jésus Hostie, à Signy-le-Petit

Une fois encore, en ce dimanche, nous entendons l’appel qu’avait porté le prophète Isaïe : « Redressez le chemin du Seigneur », que nous avions entendu deux fois, une fois par la bouche du prophète, une fois sous la plume de saint Marc à propos de Jean le Baptiste dimanche dernier : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Nous comprenons aisément qu’un avertissement est donné afin que les esprits et les cœurs, pas seulement les chemins terrestres, soient préparés pour la venue du Seigneur qui vient. Alors même que Jésus a pu se présenter dans certaines paraboles comme celui qui vient comme un voleur, en fait, dans la réalité, dans l’histoire, sa venue a été annoncée et préparée. Toute une pédagogie a été mise en place pour disposer les êtres humains, au moins en Israël, à l’accueillir au mieux : une préparation lointaine avec la prédication des prophètes puis avec leurs écrits à lire et à méditer au long des âges jusque dans la synagogue de Nazareth ou de Capharnaüm ou dans le Temple de Jérusalem ; une préparation plus proche, plus immédiate, avec Jean, celui qui baptise dans le Jourdain. Dieu nous surprend, mais il se fait précéder aussi, il dispose et les choses et les événements et les cœurs et les libertés pour qu’un jour la rencontre puisse avoir lieu et qu’elle soit pleine et forte et porte de vrais fruits de vie. En ce temps de l’Avent, mes Sœurs, nous sommes invités à préparer nos cœurs, année après année, mais en fait jour après jour, à la venue du Seigneur. Car les grandes voix qui ont préparé sa venue dans l’histoire : celle d’Isaïe, déjà relayée par la liturgie juive, et celle de Jean le Baptiste qu’il fallait aller entendre au désert, à moins que, comme saint Jean nous l’apprend, ce soit au bord du Jourdain, sont prolongées en la vie de chacune et de chacun de nous par d’autres voix qui nous font entendre l’appel à redresser les chemins, qui nous ont convaincus par leur accent plus encore que par leurs raisonnements, qu’il valait la peine, qu’il vaut toujours la peine de « redresser » en nous le chemin du Seigneur, de nous convertir à lui, de réordonner notre vie pour l’ouvrir davantage à la venue de celui qui vient : la voix de la tradition de l’Église, la voix de la prédication ordinaire, la voix de la règle religieuse, la voix de telle ou telle personne, son exemple aussi. Même lorsque quelqu’un se présente pour le baptême parce qu’il a brusquement découvert le Christ, en fait, celui-ci s’était préparé de longue main des chemins dans son âme, qui se trouvent d’un coup déblayés et rendus praticables.

Nous pouvons franchir un pas de plus. Dans le récit de saint Jean, il est beaucoup question d’envoyés : des émissaires, prêtres et lévites, des gens du Temple donc, sont envoyés à Jésus ; ils le sont par les Juifs, c’est-à-dire les autorités du peuple juif, ceux qui prétendent parler en son nom ou pour le commander et aussi par les Pharisiens. Ces envoyés-là veulent rapporter une réponse qui puisse éclairer ceux qui les ont envoyés : pour les autorités, que Jean n’est ni le Messie, le Christ, ni le prophète Élie ; pour les Pharisiens, qu’il baptise mais seulement dans l’eau, dans l’attente d’un autre. Mais, surtout, dans l’évangile selon saint Jean, Jésus lui-même est qualifié d’envoyé du Père et de consacré. Or, l’envoyé rend présent celui qui l’envoie ; il le fait à de degrés divers : lointainement, comme le reflet de la lune dans le lac rend présente cette lune-là, de manière plus proche, comme la voix porte la parole selon le commentaire fameux que saint Augustin a donné du rôle de Jean-Baptiste, ou la lampe porte la lumière. La voix n’est pas la parole, mais la parole nous atteint par la voix ; cependant, l’écart entre les deux nous indique que plusieurs voix sont possibles, que la mienne en particulier peut s’ajouter ; aucune lampe n’est la lumière mais cela indique que ma lampe personnelle peut aussi s’allumer à la lumière véritable et jouer son rôle à l’égard d’autres. L’envoyé n’est pas celui qui envoie, mais il le rapproche et donne de le sentir déjà, tout proche. Et surtout, ici, nous découvrons une autre valeur du temps. Lorsque l’on parle de préparation, on envisage un temps plus ou moins long avant que vienne ce qui est encore absent ; mais, Jean le Baptiste annonce autre chose : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. » Il est là, déjà, et les autres humains ne le connaissent pas, Jean lui-même ne le connaît pas forcément mais il le sait présent, encore voilé, encore non repéré par le regard des uns et des autres. C’était vrai de Jésus à ce moment-là, déjà là depuis trente ans, déjà là dans la foule qui entourait Jean à Béthanie, mais non encore entré dans sa mission publique, ne se présentant pas encore comme l’envoyé au sens plein et ultime. Mais c’est vrai de Dieu depuis toujours, et c’est vrai du Ressuscité, depuis l’Ascension jusqu’à la fin des temps. Ceux et celles qui préparent sa venue ne précèdent pas un absent qui peut mettre du temps à venir, mais un présent que tous ne peuvent voir encore, aux effets de la présence de qui tous ne peuvent pas s’ouvrir encore mais qui est là pourtant, tout proche, si humble, si discret et si grand à la fois.

Au milieu de l’Église, mes Sœurs, vous êtes avec toutes les personnes consacrées celles et ceux qui indiquez la présence, aujourd’hui, de l’Époux de l’humanité, déjà là dans notre humanité marquée par le manque et par l’absence et par le péché et par la mort, déjà tellement présent, tellement capable de tout remplir, de tout renouveler, de faire advenir le Royaume, mais si peu accessible à la plupart, si peu accessible à vous-mêmes qui n’êtes pas plus que Jean dignes de délier la courroie de sa sandale. L’Église, en son entier, au milieu de l’humanité, indique à tous les humains qu’il est là, au milieu d’elle, si prêt de chacune et de chacun, si proche de tous les efforts de l’humanité vers l’unité, la paix, la vérité, la réconciliation, mais si inaccessible aux efforts de l’humanité pour se construire elle-même, s’installer, se rendre fière d’elle-même. Le prophète Isaïe le fait parler pour nous en ce dimanche : « L’esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur Dieu m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles… » ; « Il m’a vêtu des vêtements du salut, il m’a couvert du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. » Le temps où nous sommes, ce temps que nous disons le temps de l’Église, prend souvent les aspects de l’attente dans la nuit, l’attente de ce qu’on ne sait pas ; il est un temps de préparation où il faut laborieusement aplanir bien des chemins, redresser bien des routes et c’est un rude effort ; mais il n’est pas le temps du vide, le temps du manque, en tout cas pas seulement. Car « il est au milieu de nous, celui que nous ne connaissons pas » et chaque envoyé atteste qu’il n’est pas loin, qu’il est presque là. Nous ne célébrons pas Noël comme l’anniversaire d’une naissance qui s’éloigne dans le temps mais nous célébrons Noël parce que, chaque jour, il est possible qu’il soit reconnu et touché et presque saisi, celui qui vient, pour peu que nous nous trouvions subitement ajustés à sa présence, et parce qu’à la fin des fins, il viendra pour tous et que tous se trouveront préparés comme miraculeusement mais d’un miracle préparé de longue main, à sa rencontre.

C’est pourquoi ce dimanche est dimanche de joie. Nous, chrétiens, partageons les épreuves de toute l’humanité, et les peines et les chagrins et les douleurs intimes de tout un chacun ici-bas. Cependant la joie est possible, la joie est notre partage. L’Apôtre ose nous y inviter, tous, sans distinction, en toute circonstance de vie : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance. » Car la joie ne vient pas de la préservation de tout danger et de toute souffrance ; la joie vient de la rencontre, de la présence, de la proximité de celui qui est au milieu de nous et que nous ne connaissons pas encore suffisamment mais qui est là attendant de se faire connaître et reconnaître de chacune et de chacun de nous. Mes Sœurs, vous êtes des parcelles de joie dans ce coin des Ardennes où vous vivez et servez. Le témoignage premier que vous avez à porter est celui de la joie en effet : pas tant de la vérité, de la générosité, du service, mais de la joie, celle de Jean le Baptiste qui sait qu’il doit diminuer afin que lui croisse, la joie de celles qui le savent présent, tout proche, ignoré et agissant pourtant, venant à chacune et chacun, celui que beaucoup attendent sans le savoir, que quelques-uns espèrent, que certains, peut-être, veulent repousser d’abord et qui, pourtant, vient pour eux aussi bien. « Priez sans relâche », commande l’Apôtre : présentez à Dieu notre humanité d’hier et d’aujourd’hui et de demain, que son œuvre s’y accomplisse, que son Envoyé y vienne et y soit reçu. S’il était repoussé aujourd’hui, si les cœurs et les esprits se montraient incapables de le recevoir, soyez et demeurez dans la paix. Car vous êtes là pour l’accueillir au nom de tous et vous savez pour tous, à la place de tous, reconnaître sa parole dans la voix de beaucoup, sa lumière dans toute lampe que vous rencontrez, et votre joie à vous est d’être un peu au moins des artisans de la préparation de son chemin. L’Apôtre vous le dit : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers (tout entières) : que votre esprit, votre âme et votre corps soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus-Christ »,

                                                                                                                                                              Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.