Homélie du 15 septembre 2019 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 17 septembre 2019

Homélie du 15 septembre 2019

Homélie pour la messe en forme extraordinaire, en l’église Sainte-Jeanne-d’Arc de Reims, 14ème dimanche après la Pentecôte, le 16 septembre 2019

« Mieux vaut se confier dans le Seigneur que dans les hommes. Mieux vaut espérer dans le Seigneur que dans les princes. » La fière affirmation du grand psaume du Messie qu’est le psaume 117 que nous avons chanté en graduel doit retentir à nos oreilles et à nos esprits en ces temps où nous nous inquiétons, une fois encore, des lois qui se préparent dans notre pays. Puisque le débat parlementaire est ouvert, il convient de l’éclairer le plus et le mieux possible mais nous devons toujours nous souvenir, nous chrétiens, disciples de l’unique Messie, membres de son Corps, que les « princes » ne peuvent porter aucune espérance jusqu’à son terme. C’est sans doute une des illusions de nos sociétés sécularisées : elles renoncent à la grande espérance de Celui qui est venu partager notre condition pour en transfigurer même les souffrances en promesses de vie plus grande, elles veulent se fier à la technique médicale et à la technique juridique pour apaiser leurs souffrances, et ce faisant elles ne font que déplacer les lieux de souffrance. Cette même illusion vaut tout autant pour les techniques industrielles ou agricoles : elles apportent des bienfaits, elles fortifient l’humanité mais aucune ne peut porter l’espérance jusqu’à son terme nécessaire, tandis que le Seigneur, lui, se tient près de nous, plus modeste, moins repérable peut-être, surtout pour qui ne veut pas le voir, mais tellement plus radicalement, tellement plus proche, tellement plus vrai et efficace en plus d’un sens.

Seulement, frères et sœurs, il nous faut entendre les paroles de Celui que nous confessons comme notre Sauveur. Il nous faut en accepter le tranchant et ne pas l’émousser par une écoute trop habituée. « Nul ne peut servir deux maîtres. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon. » Certes, nous entendons cela volontiers, mais lorsque Jésus poursuit en nous invitant à regarder les oiseaux du ciel et les lis des champs, que pensons-nous en nous-mêmes ? Nous ne sommes pas des petits oiseaux qui peuvent se contenter de quelques graines et de quelques gouttes d’eau. Nous sommes des hommes, des femmes, nous avons des enfants, des familles, nous travaillons, nous produisons, nous consommons. Nous exerçons des responsabilités sociales et nous tâchons de le faire le mieux possible. Cela occupe notre esprit. Y a-t-il moyen de faire autrement ? Nous devons à nos enfants de rassembler autour d’eux les meilleures conditions pour qu’ils puissent grandir sans trop de souci, en bénéficiant du meilleur accessible ici-bas. Peut-être devrions-nous ne pas nous inquiéter de ce nous mangerons ou boirons demain et de la façon dont nous nous vêtirons, mais pouvons-nous ne pas nous en soucier pour nos enfants, nos parents âgés, pour ceux et celles dont, de près ou de loin, nous avons la charge ? N’est-il pas raisonnable et même sage que notre peine nous mérite un salaire et que ce salaire nous permette de mener une vie à la hauteur de nos capacités et de nos aspirations ? Nous voulons bien renoncer à être des princes, nous ne cherchons pas à accumuler des biens, mais le Seigneur Jésus ne se simplifie-t-il pas la tâche en parlant comme s’il s’adressait uniquement à des Franciscains, sans charge de famille, sans fonction de production, sans responsabilité à l’égard de tous ?

Il vaut mieux, frères et sœurs, que nous regardions en face ces questions qui, fatalement, à un degré ou à un autre, nous habitent à l’écoute des paroles du Seigneur, plutôt que faire semblant de les entendre et les laisser résonner hors de nous. Le Seigneur Jésus, soyons-en assurés, ne nous appelle pas à déserter nos responsabilités. Il ne nous encourage pas à nous laisser aller et moins encore il ne nous abandonne à la paresse. En réalité, il nous dévoile quelque chose de lui-même, il nous introduit dans sa manière à lui, le Fils bien-aimé éternel, de vivre dans notre vie terrestre tourné vers son Père. Il nous engage à faire confiance en la bonté du Père parce que, lui, le premier d’entre nous tous, il vit et il est toute confiance dans le Père. Cela ne veut pas dire qu’il ne travaille pas, il a exercé le métier de charpentier ; cela ne veut pas dire qu’il ne prévoit pas ni ne prépare rien, cela veut dire qu’avant tout, cependant, il cherche « le Royaume de Dieu et sa justice », il s’ouvre à la présence du Père et il s’y ajuste de toute la sainteté de son être, et il nous appelle à le faire avec lui et en lui.

Il n’est pas venu simplement pour améliorer un peu notre condition humaine, il n’est pas venu pour moraliser un peu plus nos comportements. Il est venu pour nous appeler à plonger dans un bain tout différent, à vivre dans un horizon tout nouveau. L’apôtre saint Paul nous l’a fait entendre : « Marchez selon l’esprit et vous n’accomplirez point les désirs de la chair ». Il ne suffit pas de maîtriser ce que saint Paul appelle la chair, nous risquons de nous épuiser ainsi ; il ne suffit pas de lutter pied à pied contre les œuvres de la chair : même si nous nous sommes dégagés de l’impudicité et des rixes ou si nous n’y sommes jamais entrés, qui peut affirmer être sorti totalement de l’envie, de la dissension ou autres « choses semblables ». Il nous faut accueillir le grand don de l’Esprit-Saint, nous laisser conduire par l’Esprit de Dieu, viser ce que saint Paul appelle non pas les fruits mais le fruit de l’Esprit, le fruit 12 fois décrit de l’Esprit. N’entendez, frères et sœurs, chez saint Paul aucun mépris de la chair. Tout au contraire : la chair est tout le dynamisme intérieur de notre humanité et tout cela est fait pour être transfiguré par l’Esprit. Mais la chair prise en elle-même nous emprisonne en elle, dans la peur de manquer, dans la méfiance à l’égard des autres et dans le ressentiment à l’égard de Dieu. Il ne suffit pas de maîtriser nos avidités, il nous faut apprendre à vivre tout autrement, en fils et en filles du Père en nous laissant prendre par le Seigneur Jésus en lui.

Plus que jamais, nous devons l’accepter, frères et sœurs, et nous pouvons l’accepter avec joie. Servir vraiment Dieu revient à vivre tout autrement que beaucoup qui nous entourent. Rendre témoignage au Dieu créateur et provident, vivre de sa bonté et dans sa bonté, nous fait vivre notre condition humaine d’une manière surnaturelle. Ce qui nous caractérise, ce qui devrait nous caractériser, ne doit pas être seulement une plus grande maîtrise de nous-mêmes et une attention aux autres plus marquée, mais plus radicalement la joie de vivre en nous recevant du Père dans la confiance que tout ce que nous vivons, dans la joie et dans les épreuves, dans l’abondance comme dans le manque, tout peut contribuer à façonner en nous un être vraiment filial. Rien ne peut nous priver de grandir toujours en fils ou en filles du Père, capables de participer pour l’éternité à la communion en Dieu et avec tous.

Nous avons à faire briller devant nos contemporains qu’une autre vie est possible et que cette autre vie leur est ouverte, par la grâce de Dieu, malgré leurs faiblesses, leurs peurs et même leurs fautes, une vie où la force pour agir vers le bien et la lumière pour voir le vrai nous sont données d’en haut, du Dieu vivant et de la communion des saints. Nous avons à porter l’espérance que la débauche et la médiocrité, la recherche du plaisir et du confort et la peur de ne pas tout avoir n’ont pas à être les moteurs de la vie terrestre, mais plutôt l’espérance que la promesse de la vie sera tenue, au-delà de tout ce que nous aurons goûté ici-bas, dans la joie éternelle, lorsque nous serons tout entiers au Père, par le Fils et dans l’Esprit.

Acceptons que les paroles rudes du Seigneur nous obligent chaque année à nous interroger sur ce qui habite le fond de nos cœurs et polarise nos pensées et accueillons avec joie le Seigneur qui nous unit à son sacrifice pour la gloire de son Père et pour enrichir à jamais la communion des saints,

                                                                                                      Amen.


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