Homélie du 15 septembre 2024, pour le 24ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 16 septembre 2024

Homélie du 15 septembre 2024, pour le 24ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour la messe du 24ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 15 septembre 2024, en la chapelle du Carmel du Pater Noster, sur le Mont des Oliviers à Jérusalem

« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Venant à Jérusalem ou étant à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, nous recevons comme à neuf cette question de Jésus. Elle est la grande question de nos vies. Qui disons-nous qu’est Jésus ? Qui dis-je que Jésus est, par mes paroles et, plus encore, par mon comportement, par mes actions, par les pensées qui les sous-tendent, les choix qui en font la cohérence ? Si nous confessons avec Pierre et toute l’Église : « Tu es le Christ », que voulons-nous dire par là ? Que dit par là l’Église, que dit par là l’Église à laquelle j’appartiens, et que dis-je, moi, que veux-je dire en prononçant de tels mots ? Nous l’avons entendu de saint Jacques : il ne suffit pas de dire des mots, d’aligner des phrases, disons : de nous réclamer de dogmes ; encore faut-il les mettre en œuvre : « C’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »

Or, la force de cet épisode, rapporté par saint Marc comme par saint Matthieu, vient de ce qu’aussitôt Pierre qui a confessé la messianité de Jésus est confronté à son incapacité à accepter que cette messianité s’exprime non dans la conquête, la victoire, le renversement de l’oppression et l’établissement d’un règne nouveau mais dans le rejet, la souffrance, la mort et cette issue insaisissable que Jésus appelle « résurrection ». Les évangiles nous obligent, nous aussi, tous autant que nous sommes, à réaliser que nous ne savons pas, que nous ne pouvons pas spontanément, par nous-mêmes, accepter en vérité la messianité de Jésus. Que nous soyons chrétiens convaincus et engagés, religieux ou religieuses consacrés dans et pour le Christ, prêtres ou évêques ordonnés pour partager à tous la vie du Christ, ou bien chrétiens se tenant sur le seuil ou amis de Jésus s’interrogeant sur les suites à donner, nous nous tromperions en nous pensant capables par nous-mêmes de faire mieux que Pierre. Pour bien recevoir cette page d’évangile et, plus profondément encore, pour bien répondre à la question de Jésus, il nous faut être conscients que nous avons tous, qui que nous soyons, à surmonter une réticence, une résistance, à voir le Messie souffrir et mourir, quoi qu’il en soit de ce que peut signifier ou promettre la résurrection. Pourtant, il nous faut entendre Jésus le dire : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite », et l’entendre encore le redire en s’adressant à « la foule avec ses disciples » : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. » Hier, nous avons fêté la croix glorieuse. Cette fête, en synthétisant tous les aspects de la croix de Jésus : l’humiliation redoublée et la glorification et l’exaltation par le Père, nous appelle à oser emprunter le chemin de la croix que Jésus décrit ainsi en parlant à Nicodème : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. » Sommes-nous prêts à entrer dans le chemin de la croix ? Suis-je prêt à suivre Jésus sur cette voie ? Suis-je capable de le regarder même d’un peu loin, mais de le regarder en vérité, avançant sur ce chemin ?

Il n’y a rien de morbide en Jésus, il s’agit bien de ressusciter ; il n’y a rien de déprimé et déprimant, il s’agit bien de vivre et de sauver sa vie, mais de le faire réellement. Il ne s’agit pas non plus de se laisser entraîner dans une sorte de mécanique, de céder à un cycle vital de mort et de vie. Comme l’annonçait le prophète Isaïe, il s’agit de se remettre entre les mains du Père et de n’attendre que de lui la justice nécessaire : « Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. »

Être humain n’est pas vivre comme un végétal qui vit un moment puis perd sa force vitale et meurt. Être humain n’est pas non plus trahir ce qui nous fait vivre pour survivre encore un peu. Être humain est avoir confiance que la vie donnée, la vie livrée, est recueillie et rendue, transformée. C’est la relation au Père qui permet de ne pas se laisser aller à trahir, à renoncer à ce qui nous rend vivants. Le chemin que nous ouvre Jésus est celui des fils et des filles. Être Christ pour lui n’est pas un titre qui autoriserait tout comportement, c’est une mission, un envoi, un envoi par Quelqu’un à qui il s’agit d’obéir, dont le Règne est source de vie pour tous. Être Christ pour lui, c’est aussi affronter ce qu’il y a de plus obscur en l’humanité, sans chercher à le dominer, à le purifier, mais en le dépassant par le don de soi, dans l’espérance que le Père veut la conversion et la vie de tous. Ici, frères et sœurs, mes Sœurs, dans ce Carmel du Pater, il est bon et doux de réaliser cela : Jésus ne veut être rien d’autre que le Fils du Père et il nous ouvre le chemin de la filiation en acte. Ici, sur le Mont des Oliviers, en cette ville de Jérusalem qui symbolise et pas seulement par métaphore toutes les tensions du monde et l’espérance inouïe de les dépasser, il est nécessaire d’entendre Jésus parler de son rejet, de sa souffrance, de sa mort, alors que la vie de tant d’hommes et de femmes et d’enfants et l’on peut même y ajouter, par conscience écologique, bien d’autres êtres, est chaque jour menacée et détruite et abîmée par la violence des hommes et des États. Dire de Jésus qu’il est le Christ, dire à Jésus que nous le confessons comme Christ, c’est accepter d’assumer avec lui ce qu’il a de violent dans le cœur humain et dans les organisations construites par les hommes, en acceptant d’avoir pour seule arme la confiance dans le Père : « Il est proche, Celui qui me justifie », proclamait le prophète ou plutôt le Serviteur parlant par le prophète. Vraiment, voilà ce que peut être notre prière en ce jour et en ce lieu en ce temps tout spécialement : que nous, chrétiens, nous confessions ; que moi, chrétien, je confesse par mes pensées et mes actes et mes choix que Jésus, celui qui a accepté la Passion et s’est remis entre les mains du Père, est bien le Christ, l’Oint du Seigneur qui peut répandre sur tous et en tous son Esprit de force et de vie. Nous n’avons pas à nous complaire dans des attitudes victimaires, puisque nous suivons notre Seigneur ; nous n’avons pas à nous rassurer en réclamant sans cesse nos droits, puisque nous nous confions au Père ; nous n’avons pas à céder à la peur ni à la colère ni à la résignation au mal, puisque nous espérons l’Esprit qui fait de nous des fils. Le psalmiste nous l’a fait dire : « J’aime le Seigneur : il entend le cri de ma prière… toute ma vie, je l’invoquerai » et le Notre-Père nous installe dans la juste position : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons. »

Mes Sœurs, à vous qui veillez sur le Mont des Oliviers, appelant le Messie qui vient et saluant sa venue parfois bien cachée, demandez pour tous les chrétiens, d’ici et d’ailleurs, la grâce de l’humilité et de la détermination : c’est Jésus et pas un autre que nous voulons suivre. De lui, de Celui-là, nous attendons la vie,

                                                                                                             Amen.


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