Homélie du 15 décembre 2019 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 16 décembre 2019

Homélie du 15 décembre 2019

Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent, année A, le 15 décembre 2019, en l’église du Sacré-Cœur, à Charleville-Mézières, confirmation de lycéens et d’adultes.

Comment transformer l’humanité ? Quelle force, quelle puissance, peut susciter un être humain nouveau qui vive la condition humaine dans la justice et la vérité et une paix active ?

La question a peut-être taraudé Jean le Baptiste puisqu’il fait demander : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Jean annonçait tout proche le Messie, l’homme envoyé par Dieu, rempli de l’Esprit de Dieu, qui allait instaurer sans attendre le Royaume de Dieu. Pouvait-ce être vraiment, comme il l’avait pensé dans un premier temps, ce Jésus de Nazareth ? Car Jean voyait le Messie venir avec force et puissance, châtier les méchants et combler les justes, établir un règne où la loi de Dieu serait respectée et vécue par tous, et Jésus, que fait-il ? Il mange avec les publicains et les pécheurs, il va de village en village, il semble prendre son temps, il ne bouleverse pas toute chose. Il s’oppose aux pharisiens et aux scribes mais il ne purifie pas le temple de Jérusalem. Il ne mobilise pas les foules pour un grand changement social mais il appelle à une conversion des cœurs qui peut paraître un peu insignifiante au regard de l’histoire. Pendant ce temps, Jean est en prison, entre les mains d’Hérode le petit.

Nous connaissons cette question, frères et sœurs. Qu’est-ce que Jésus, nous disent certains autour de nous, face aux nécessités du temps, face à l’urgence des changements ? Peut-il nous apporter une société sans chômage, sans injustice, où personne ne manquerait de rien et où tous seraient comblés ? Qu’est-ce que Jésus face aux changements que nous impose la contrainte écologique ?

Vous avez entendu la réponse du Seigneur : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : ‘’ Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourdes entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle’’ ». Jésus invite les envoyés de Jean à voir les signes du Royaume qu’il sème partout sur son passage. Sans doute, tous les malades ne sont-ils pas guéris et la maladie n’est pas supprimée de l’humanité ; sans doute, tous les morts ne ressuscitent-ils pas et la mort n’est pas éradiquée de l’humanité. Mais le peu qui a lieu, les quelques miracles de Jésus sont bien une réalité et une réalité qui ne trompe pas. Quelque chose de nouveau se produit, une réalité nouvelle émerge de l’histoire des êtres humains. Jésus ne vient pas comme Jean l’attendait. Dimanche dernier, Jean l’annonçait arrivant « avec sa pelle à vanner » et « la cognée à la racine des arbres », et nous savons que Jésus vient d’abord comme un enfant impuissant, un bébé couché dans une mangeoire, et qu’il va grandir comme tout enfant des hommes patiemment, lentement, pendant les trente années de ce que nous appelons « la vie cachée ». C’est pourquoi Jésus conclut que Jean est le plus grand de tous les fils nés d’une femme et que « cependant, le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »

Jean est un géant de la vertu, de la volonté engagée pour faire la volonté de Dieu, du service du prochain, et tout cela est nécessaire, mais le Royaume des cieux, lui, vient toujours comme une grâce, une faveur, comme la venue inattendue, impossible à espérer tout à fait, de Dieu au plus intime de chacun de nous. Jésus n’est pas venu d’abord pour construire une société nouvelle mais pour entrer au cœur de nos libertés récalcitrantes et y installer sa grâce, la force de son Esprit-Saint, afin que nous apprenions à vivre de sa charité. Il ne cherche pas en tout premier à construire la justice, il diffuse en nous sa présence afin que, progressivement, nous apprenions à vivre de sa bonté, de la bonté de Dieu, en tous nos actes. Il n’élimine pas de l’humanité les pécheurs, après leur avoir laissé une ultime chance de se convertir : il s’efforce d’entrer même chez les pécheurs les plus endurcis et il se réjouit de tout mouvement d’amour vrai, même très petit, même très impuissant. « Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute », proclame-t-il, parce que nous avons rarement sa patience.

Alors, frères et sœurs, en ce dimanche, nous avons la grâce que nous soient donnés à voir six d’entre nous qui osent demander à être confirmés. Ils ont l’audace de s’approcher de l’autel du Seigneur pour que Dieu confirme en eux ce qu’il a fait d’elles ou d’eux par le baptême, ses fils bien-aimés ou ses filles bien-aimés. Chers amis, vous qui vous tenez ainsi au milieu de nous, vous êtes pour nous aujourd’hui celles et ceux que le Seigneur nous invite à regarder et ceux et celles en qui il va faire ce qu’il nous demande d’aller dire aux Jean Baptiste qui nous interrogeraient : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez ! » En vous, le Dieu vivant va mettre la force de son Esprit-Saint pour que vous puissiez vivre en ce monde comme ses filles et ses fils, comme des membres vivants du Corps du Christ, portant sa charité en vos actes. Les êtres humains se donnent de tas de raisons pour vivre et agir, mais pour beaucoup la vie est une fatalité à laquelle il faut bien consentir. Pour nous, nous le voyons en vous, vivre est un don et un appel. Nous ne sommes pas forcement destinés à révolutionner le monde et, cependant, nous sommes appelés à vivre dans ce monde marqué par la mort et le péché comme des êtres faits pour la vie éternelle, la sainteté et la communion avec tous pour toujours. Vous voulez rendre vos vies bonnes et bienfaisantes et vous avez compris, dans la lumière du Christ Jésus, qu’il vous était possible de ne pas être esclaves de la mort et du péché, esclaves de vos besoins, de vos passions et de vos pulsions, esclaves de la pression des autres sur vous, et que vous pouviez, au contraire, être libres d’aimer et de servir, de choisir la vérité et le bien, de travailler pour ce qui pourra déboucher dans la vie éternelle plutôt que vous user pour ce qui ne peut que disparaître. Par la force de l’Esprit scellé en vous par le Messie mort et ressuscité, vous pouvez être des boiteux qui bondissent tout de même, des aveugles qui sont attentifs aux autres, des sourds qui osent dire une parole de bénédiction, des prisonniers qui progressent dans la liberté.

Avez-vous remarqué, frères et sœurs, comment Jésus interroge ceux qui l’écoutent, une fois partis les envoyés de Jean ? Il leur demande ce qu’ils sont allés voir au désert, eux qui sont tous allés écouter Jean le Baptiste. Lorsque nous pensons au Baptiste, nous nous intéressons surtout à ce qu’il a dit, tandis que Jésus nous demande de réfléchir à ce que nous avons vu. Nous devons donc nous interroger : que donnons-nous à voir, nous chrétiens, disciples de Jésus ? Qu’est-ce que notre manière de vivre laisse apercevoir de l’œuvre puissante du Seigneur en nos cœurs ? C’est l’enjeu, dans notre projet diocésain, de l’appel à vivre en « fraternités de proximité » et d’aller les uns vers les autres, entre baptisés pratiquants déjà mais aussi dans nos villages et nos quartiers. Saint Jacques nous donne une indication précieuse. Il exhorte à la patience, il demande d’avoir confiance que si l’histoire est longue –l’histoire de l’humanité et l’histoire de nos vies parfois-, ce n’est pas que Dieu oublie mais que Dieu attend « les fruits précieux de la terre avec patience », il attend la conversion de tous et de chacun et il y travaille inlassablement. Mais l’Apôtre donne une consigne : « Ne gémissez pas les uns contre les autres ». Dans la force de l’Esprit-Saint, nos amis de ce matin nous le montre, nous pouvons ne pas nous plaindre les uns des autres mais nous émerveiller plutôt ; nous pouvons nous montrer les uns aux autres comment le Seigneur nous fait voir là où nous pourrions être aveugles, entendre lorsque nous pourrions rester sourd, marcher ou agir pour faire un bien que nous pourrions esquiver. Contemplons les confirmands de ce jour et, avec eux, ayons l’audace de croire que l’Esprit agit en nous et par nous. Ne désertons pas notre place, l’humanité a besoin de notre espérance,

Amen.
+ Éric de Moulins-Beaufort


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.