Homélie du 14 juillet 2024, pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 15 juillet 2024

Homélie du 14 juillet 2024, pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire année B le 14 juillet 2024, église Saint-Jacques à Reims

Le psaume, frères et sœurs, nous a invités à un effort d’attention : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. » Dieu parle et sa parole est de paix, elle est bienveillante et bienfaisante. Voilà une manière d’exprimer le cœur de notre foi de chrétiens et l’attitude fondamentale à laquelle elle nous conduit. Dans le chaos du monde, dans les bruits si multiples du monde humain, nous entendons et nous écoutons Dieu qui nous parle et nous reconnaissons en sa parole une promesse de paix, mieux même : le don de la paix. Avant que tout se calme, comme nous y aspirons, par la magie des vacances ; avant qu’une sorte d’unanimité joyeuse règne, comme nous l’espérons, avec les jeux olympiques, au terme d’une année où les invectives ont été nombreuses en notre pays et ailleurs, mais aussi les bruits de guerre et les signes de division de l’humanité, il est réconfortant, je crois de savoir cela : ce que dit Dieu, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ». Dieu, le Dieu vivant, n’est pas un Dieu muet, et de sa parole, parfois discrète, parfois peu entendue, parfois peut-être peu audible, nous pouvons être sûrs d’une chose : elle est une parole de paix pour nous et pour les autres.

Peut-être, frères et sœurs, pouvons-nous comprendre à cette lumière l’évangile qui vient d’être proclamé. Il nous rapporte, selon le récit de saint Marc, le premier envoi en mission des Douze. Ne doutons pas qu’il nous dise quelque chose à nous, aujourd’hui. Nous sommes envoyés, d’une manière directe ou indirecte, deux par deux, sous quelque forme que ce soit, pour porter une parole de paix, une parole de bienveillance, de réconfort, de réconciliation, de promesse, à ceux et celles que nous rencontrons. Si nous avons la chance de partir en vacances, de changer d’air, de rencontrer des personnes nouvelles voilà qui peut donner un contenu aux échanges que nous aurons : pas seulement parler du temps qu’il fait, pas seulement nous lamenter sur les circonstances présentes, pas seulement nous régaler de récits de parties de pêche ou de promenade, mais en tout cela et à côté de tout cela, porter une parole de paix, nous faire les relais de Dieu qui parle. Et si nous ne partons pas, si nous restons un peu seuls, un peu plus encore que d’habitude, écoutons peut-être encore davantage, tendons l’oreille, non pas seulement aux mauvaises nouvelles mais aussi et d’abord à cette parole-là que le psaume nous invite à entendre. En vacances ou pas, ne l’oublions pas : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles. »

Lorsque Jésus envoie ses disciples deux par deux, il leur donne, nous avons entendu saint Marc nous le décrire, une certaine autorité, « autorité sur les esprits impurs », et quelques consignes. Ils ne partent pas comme des soldats, ils n’ont pas à arriver en conquérant. En tant qu’envoyés de Jésus, ils dépendront entièrement de l’accueil reçu. Ils sont équipés pour marcher : des sandales et un bâton, mais pas pour subsister par eux-mêmes, pas pour s’imposer là où ils arriveront, pas pour créer les conditions de leur accueil, en achetant ou en commandant. L’envoi de Jésus présuppose qu’ils rencontreront des hommes et des femmes préparés pour les accueillir. Ils ne sont pas envoyés dans un monde vide ou hostile, mais vers des personnes qui sont travaillées de l’intérieur par l’alliance de Dieu avec Israël et en qui il s’agit d’éveiller ou d’accentuer une attente, une disponibilité, une disponibilité déjà présente. La consigne : « si, dans une localité, on refuse de vous accueillir…, partez et secouez la poussière de vos pieds », nous pouvons l’entendre comme une menace, mais nous pouvons aussi la comprendre comme une consigne de patience. « Ce sera pour eux un témoignage » : le moment n’était pas venu pour eux, le temps n’était pas mûr pour ceux-là, les disciples passent et vont vers d’autres, dans l’attente du moment favorable qui viendra. Les Douze ne partent pas seuls, mais ils sont précédés, accompagnés par le Dieu vivant, qui œuvre au plus intime des libertés humaines et suscite ces libertés vers leur meilleur.

Pour résumer ce qu’ils disent, la parole de paix qu’ils portent, saint Marc écrit : « Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir. » Se convertir, c’est changer de vie, c’est réorienter son existence, c’est renouveler le mouvement intérieur qui nous habite et qui détermine nos réactions aux événements et nos actions. Saint Marc ne dit pas qu’il s’agit de passer d’une vie mauvaise moralement à une vie enfin décente. Il s’agit plutôt de s’orienter vers le Royaume qui vient, c’est-à-dire vers une vie encore meilleure, une vie tout autre, à vrai dire, qui n’est pas déterminée par la peur de manquer, le souci du lendemain, la méfiance à avoir les uns à l’égard des autres, mais par l’espérance de la communion avec Dieu et de tous avec tous. Expulser les démons, guérir les malades avec des onctions d’huile, c’est donner des signes du Royaume, des gages de sa proximité. Les Douze sont envoyés en avant de Jésus ou au-delà des lieux dans lesquels il pourra physiquement passer, pour orienter les esprits et les cœurs vers ce que lui vient apporter : une relation toute neuve avec le Père et avec tous les autres. Ils vont y préparer les uns et les autres, mais non pas comme si ceux-là et celles-là étaient extérieurs à cette attente, plutôt comme vers des personnes préparées, prêtes à être éveillées ou réveillées, disponibles pour réorienter leurs vies.

Pour nous, frères et sœurs, qui venons après la mort et la résurrection de Jésus, après la Pentecôte aussi, la parole de paix que nous avons à porter nous est en quelque façon donnée par saint Paul. La liturgie nous a fait entendre la grande bénédiction qui ouvre sa lettre aux Éphésiens. L’Apôtre bénit Dieu, parce que Dieu « nous a bénis et comblés ». La bénédiction de l’Apôtre monte vers Dieu en réponse à la bénédiction de Dieu dont il constate les effets et les fruits. Nous sommes des « choisis », nous sommes des « prédestinés », nous sommes des rachetés, bénéficiant de la rédemption par le sang de Jésus, du « pardon de nos fautes ». Nous sommes envoyés vers les autres, vers ceux et celles que nous rencontrons, pour leur partager quelque chose de cet état et de cette compréhension parce qu’ils y sont promis eux aussi. Il vaut la peine, frères et sœurs, de prendre un peu de temps pour lire de près cette bénédiction de l’Apôtre et pour la laisser monter de notre cœur à notre tour, dans l’admiration et la gratitude pour l’œuvre de Dieu.

Nous, humains, ne sommes pas jetés dans ce monde, mais voulus et accompagnés. Nous ne sommes pas abandonnés aux structures de ce monde, aux conditionnements qui s’imposent à nous, livrés aux forces et, parfois, aux violences, de ce monde. Nous sommes aussi portés par « le mystère de la volonté » de Dieu qui veut « mener les temps à leur plénitude » et « récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. » Les hommes et les femmes que nous rencontrons ne sont pas seulement des membres de l’espèce humaine, plus ou moins favorisés, plus ou moins bien dotés, qui nous seraient plus ou moins sympathiques, mais eux aussi bénéficiaires de la bénédiction de Dieu, eux aussi portés par le « mystère de sa volonté », eux aussi appelés, attendus, espérés par Dieu pour prendre part à la communion éternelle avec lui et avec nous tous. Vous aurez noté, frères et sœurs, que, dans les deux derniers paragraphes de la bénédiction, l’Apôtre s’adresse à certains comme à des « nous » et à d’autres comme à des « vous ». Les premiers sont sans doute les Juifs, premiers destinataires des promesses, eux qui « d’avance ont espéré dans le Christ », et les seconds sont les chrétiens venus du paganisme. Tous ont reçu, conclut l’Apôtre, « la marque de l’Esprit », comme « une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de la gloire » de Dieu. Dans toutes nos rencontres, nous pouvons aller les uns vers les autres, nous comme déjà habités de l’Esprit-Saint, vers d’autres qui ou bien l’ont déjà reçu eux aussi ou bien pourraient ou pourront le recevoir. Nous ne nous rencontrons pas seulement pour nous heurter les uns aux autres ou pour nous ajuster de la moins mauvaise manière possible, mais aussi et plus encore pour nous préparer à recevoir l’Esprit-Saint et à échanger les uns avec les autres la bénédiction de Dieu.

Frères et sœurs, porter la parole de paix de Dieu pour son peuple et ses fidèles ne veut pas dire ennuyer tout le monde par des discours pieux, mais être pleins d’attente et d’espérance devant toute personne humaine. Cela veut dire parfois savoir ne pas insister, mais dans l’espérance du temps meilleur. Cela veut dire surtout être intérieurement sensibles à l’enjeu de toute rencontre, être ouverts à reconnaître l’action de l’Esprit-Saint en autrui, qui se manifeste chaque fois qu’un être humain, d’une manière ou d’une autre, se fait le relais du Dieu vivant qui s’adresse à nous : « J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix »,

                                                                                                                                                      Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.