Homélie du 14 janvier 2024, pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 15 janvier 2024

Homélie du 14 janvier 2024, pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour le 2ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 14 janvier 2024, en l’église Saint-Nicolas de Rethel, rencontre diocésaine des catéchistes

« Me voici ! » Cette réponse première du jeune Samuel au Seigneur qui l’appelle dans la nuit, vous l’avez reconnue sans doute, frères et sœurs : vous l’avez dite, le jour de votre baptême, si vous avez été baptisés adolescents ou adultes ; vous l’avez dite au jour de votre confirmation ; nous l’avons dite, d’une manière plus développée, nous prêtres et diacres et évêques, au jour de notre ordination ; vous l’avez dit, les uns et les autres au jour de votre mariage lorsque vous avez été interrogés sur ce que vous vouliez. Nous entendons même, dans le récit qui a été proclamé pour nous, une formule plus précise encore, celle que Samuel emploie à l’égard du vieux prêtre Éli : « Tu m’as appelé, me voici. » La vie chrétienne est la réponse à un appel. Nous pouvons aller vers le Christ en raison d’un désir intérieur, en raison d’une tradition familiale, par l’attraction de quelques amis, que sais-je ? Ultimement, Dieu nous appelle et notre chemin vers lui est une réponse au pas qu’il a fait en premier vers nous. Il vaut la peine de comprendre notre foi, le fait que nous ayons la foi, à partir du récit du premier livre de Samuel en prenant au sérieux la manière dont la conversation de Dieu avec le jeune Samuel dans la nuit s’est déroulée. Pour le quatrième appel, l’auteur prend le temps de détailler chaque étape : « Le Seigneur vint, il se tenait là et il appela comme les autres fois : ‘’Samuel ! Samuel !’’ Et Samuel répondit : ‘’Parle, ton serviteur écoute. ‘’ »

Puisque sont réunis au milieu de vous, frères et sœurs, les catéchistes du diocèse, et puisque tous ou presque vous êtes passés par le catéchisme, permettez-moi d’ajouter ceci : la catéchèse a pour mission d’aider un enfant ou un adulte, une personne, à réaliser qu’elle est appelée par Dieu par son prénom et à répondre de tout son être, avec le plus de vérité possible : « Me voici ! » ou, mieux encore : « Parle, ton serviteur écoute. » Mieux, parce que Dieu ne parle pas forcément pour donner un ordre. Dieu parle pour la joie de nous parler, de converser avec nous, de nous partager en quelque façon ce qui l’habite, comme nous-mêmes lorsque nous avons la joie de rencontrer un ami ou une amie.  Nous parlons et nous apprécions d’être écoutés en vérité, avec attention, avec disponibilité, par quelqu’un qui entendra de manière positive ce que nous lui dirons et non pas avec méfiance ou jugement. Dieu parle, et ce qu’il attend de nous avant tout est que nous l’écoutions : « Parle, ton serviteur écoute. » La réponse : « Me voici », dans la liturgie, exprime que nous acceptons que Dieu agisse en nous, qu’il répande en notre intelligence, notre volonté , notre mémoire, son Esprit-Saint, qu’il nous fasse entrer dans sa capacité d’aimer. « Parle, ton serviteur écoute » exprime notre disponibilité de chaque jour, idéalement de chaque heure, de chaque moment, à être accessibles à ce que Dieu nous dit par les événements, les rencontres, les paroles que nous entendons, les gestes que nous voyons, les rencontres que nous faisons, et, bien sûr, par sa Parole mise par écrit que nous lisons ou écoutons. Apprendre à repérer l’appel de Dieu et à y répondre, apprendre à écouter Dieu qui nous parle et à goûter ce qu’il nous dit, voilà la belle tâche de la catéchèse.

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La page de l’évangile selon saint Jean que nous avons entendue est magnifique. Là encore, il vaut la peine de la lire lentement et de nous représenter chaque geste, chaque attitude. Il est clair en effet que l’évangéliste prend grand soin à tout détailler, étape par étape. Les mots qu’il a choisis indique la durée, le rythme lent, de la rencontre de Jésus avec ses premiers disciples, ou plutôt de ses futurs disciples avec Jésus : « posant son regard », « se retournant »,  « Jésus vit qu’ils le suivaient, ils restèrent auprès de lui… ». Si vous ne l’avez pas fait avant de venir à la messe, n’hésitez pas, frères et sœurs, à relire ce passage et à vous représenter par l’imagination la scène avec le détail de chacun des gestes. Car l’évangéliste écrit pour que nous puissions devenir des contemporains de cette rencontre, il écrit parce que la rencontre décrite est pour nous, elle est la nôtre en quelque sorte, elle est faite pour devenir notre rencontre de Jésus.

Le cœur du récit se tient sans doute dans les questions posées : « Que cherchez-vous ? », « Rabbi, où demeures-tu ? ». « Que cherchez-vous ? » ; Qu’est-ce que je cherche, moi, dans la vie ? Voilà une question intéressante à méditer. Mais attardons-nous un peu sur la réponse des disciples. Ils répondent par une autre question. On s’attendrait à ce qu’elle porte sur l’identité de Jésus, elle est un peu différente, elle nous paraître un peu décalée : « Où demeures-tu ? » L’essentiel à quoi veut nous conduire le récit est là : « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. » Jésus ne donne pas d’explication, il propose une expérience : « Venez, et vous verrez. » Qu’ont-ils vu ? Nous ne le savons pas et cela n’a pas d’importance. Au bord du Jourdain, où demeurait Jésus ? Peut-être s’était-il bâti un abri en roseaux, à proximité de la rive du fleuve, pour attendre son baptême par Jean et réfléchir avant de partir pour le désert des tentations. Mais nous comprenons bien que les deux hommes qui se sont mis à suivre Jésus de loin, sur l’indication de Jean le Baptiste, ne se préoccupent pas de savoir dans quoi Jésus habite. « Où demeures-tu ? » vise une réalité plus profonde. Où demeurons-nous nous-mêmes ? Où trouvons-nous stabilité et force et paix ? Où nous retrouvons-nous nous-mêmes et pouvons-nous renouveler notre goût de vivre, notre joie d’agir, notre capacité de réfléchir pour mettre notre poids dans la balance de la vie ? « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. »

L’important n’est pas de décrire la cabane où Jésus s’abritait ni le petit feu autour duquel peut-être ils ont partagé un poisson grillé. L’important est le lieu spirituel où Jésus demeure. Nous le devinons : Jésus demeure en son Père. Nous l’avons entendu, dans le psaume qui a été chanté après la lecture du livre de Samuel, le psaume 39. Comme tous les psaumes, il a été un élément de la prière de Jésus qui a grandi comme tout Juif et a exprimé sa prière, mieux que tout Juif, mieux que tout homme par les psaumes d’Israël : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‘’Voici, je viens.’’ » Nous retrouvons dans ce psaume la réponse du jeune Samuel : « Me voici ! », « Tu m’as appelé, me voici », « Parle, ton serviteur écoute », « J’ai dit : ‘’Voici, je viens’’ ». Jésus est le Fils qui répond à l’appel du Père et se laisse envoyer par lui. « Où demeures-tu ? » : dans la présence du Père, dans la présence pleine, entière, forte, de Celui qui l’envoie vers nous, de celui dont il brûle de dire à tous, «  à la grande assemblée » dit le psalmiste, c’est-à-dire à toute l’humanité, « l’amour et la vérité ». « Où demeures-tu ? » : dans les vouloirs du Père. Mais Jésus n’explicite pas cela par des démonstrations ou des raisonnements. Il propose de partager un moment avec lui.

 C’est cela, frères et sœurs, ultimement être chrétiens : rester auprès de Jésus un moment, un moment qui peut durer toute notre vie terrestre, partager l’abri de sa demeure, durer un peu à l’endroit où lui, le Fils bien-aimé, l’Agneau de Dieu, demeure. Être chrétien se traduit par une certaine manière de vivre et d’agir, par des choix et des refus, par des engagements, des services, une certaine façon de prendre la vie au sérieux, en vivant, non pas comme si nous étions jetés au hasard, mais comme des envoyés, mais le cœur du cœur, le plus décisif, est qu’à travers tout cela, nous apprenions à rester un peu, durablement, là où Jésus demeure, c’est-à-dire dans la présence du Père. En Jésus, nous pouvons nous tenir paisiblement en Dieu de telle sorte que la vérité de notre être apparaisse : « tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas ». Car la vérité de notre être est ce que nous apportons à tous au nom de Dieu, si humble et minuscule que cela soit. Une autre manière, donc, de définir la catéchèse est donc de comprendre qu’elle offre l’expérience de « rester auprès de Jésus » un moment, « ce jour-là ». Il y faut donc du calme, un peu de temps, de l’intériorité, mais aussi de la curiosité : « Où demeures-tu? »

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Alors, frères et sœurs, nous recevons une formidable promesse, celle que nous avons entendue formuler par saint Paul. Dieu nous appelle, Dieu nous parle ; Dieu nous invite à rester auprès de lui-même dans le parcours si agité parfois de notre vie terrestre, et l’aboutissement est que Dieu demeure en nous. « Votre corps, dit l’Apôtre, est un sanctuaire de l’Esprit-Saint ». « Où demeures-tu ? » : nous avons évoqué la cabane où Jésus s’abritait, nous avons pressenti que Jésus se tient continûment dans la présence du Père qui l’envoie, nous découvrons que, par Jésus, l’Esprit-Saint demeure en nous et que le Dieu Trinité aspire à habiter en nous. C’est pourquoi, insiste saint Paul, « le corps n’est pas pour la débauche. » Le corps n’est pas pour l’excitation, si capable soit-il de s’exciter. Il est fait pour devenir une demeure où l’Esprit-Saint de Dieu puisse s’établir en ce monde. Lors de notre baptême, de notre confirmation, de notre ordination, en fait aussi bien lors du mariage, nous avons exprimé, de manière plus ou moins claire, notre disponibilité pour que Dieu agisse en nous. Mais il ne vient pas s’agiter en nous. Il aspire à y demeurer et à faire de nous des temples de sa gloire. Voilà la condition pour être catéchistes : pouvoir voir en ceux et celles qui nous sont confiés, enfants ou adultes, des porteurs potentiels de la gloire de Dieu, avoir le regard assez pur, assez perçant pour voir cela en eux, avoir l’ouïe assez fine, pour pressentir ce que Dieu peut vouloir dire à travers leurs paroles. Frères et sœurs, puissions-nous, comme chrétiens, nous regarder ainsi les uns les autres et goûter en chaque assemblée eucharistique, la joie de demeurer les uns auprès des autres, chacune, chacun étant un signe de la présence vivante et agissante de Dieu,

                                                                                                                                               Amen.


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