Homélie du 13 octobre 2019 - Messe de mission dans le Porcien - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 18 octobre 2019

Homélie du 13 octobre 2019 – Messe de mission dans le Porcien

Homélie pour la messe de clôture de la semaine de mission, en l’église de Château Porcien, 28ème dimanche du temps ordinaire, le 13 octobre 2019.

Il y a deux jours, ayant passé la nuit dans une maison d’un village, face à l’église, tandis que je méditais sur cet évangile, à 7h, l’angélus a sonné. C’était le premier bruit de ce petit matin. Il m’a réjoui. Je suis habitué à entendre les cloches sonner mais, ce matin-là, dans le cadre de notre mission, la sonnerie rythmée des cloches m’a fait réaliser quelque chose que le récit que nous venons d’entendre veut, je crois, nous suggérer. Les cloches ne parlent pas, elles ne diffusent pas un message qu’il faudrait imprimer dans notre cerveau. Elles chantent sans parole, tristement pour le glas, avec gravité plutôt, joyeusement pour l’angélus. Au petit matin, nos villages et nos quartiers, lorsque les cloches y sonnent, commencent leur journée en entendant évoquer l’annonciation de l’ange à Marie : « L’ange du Seigneur apporta l’annonce à Marie », c’est cela « angélus », et le dialogue qui s’ensuit. Sans parole est rappelé à tous ceux qui veulent bien y prêter attention qu’un jour, là-bas, dans une ville de Galilée, une jeune femme a accepté pour nous tous la mission d’accueillir en son sein la venue du Fils éternel parce que, c’est le plus impressionnant, Dieu, le Dieu vivant, le Dieu d’Israël, a voulu partager pleinement la condition des êtres humains pour ouvrir à tous un chemin nouveau jusqu’à lui. Avant de reprendre nos activités, avant d’aller à notre labeur quotidien, le son de l’angélus nous rappelle, discrètement, sans trop le dire, l’incroyable proximité que Dieu veut avec chacun de nous et avec tous les hommes.

Quel rapport avec l’évangile de ce dimanche ? Lorsque nous l’entendons, frères et sœurs, comment réagissons-nous ? Pouvons-nous nous empêcher de penser que, si nous avions ainsi été guéris d’une maladie aussi affreuse que la lèpre, nous aurions su, nous, revenir louer le Seigneur Jésus. D’ailleurs, nous aimerions avoir à le faire. Nous ne demandons pas mieux que d’être guéris ou de voir nos proches être guéris, et nous nous engageons volontiers à passer le reste de nos jours en action de grâce. Seulement, trop souvent, nos prières ne sont pas exaucées. La maladie ou les difficultés de la vie semblent l’emporter. Au cours de ces jours de mission, lors des visites que les missionnaires ont pu faire, tous ont été impressionnés de recueillir le récit de maladies, de morts plus ou moins soudaines, de conjoints ou d’enfants morts jeunes ou moins jeunes dans tant et tant de maisons de nos villes et de nos villages. Malgré les progrès de la médecine, on meurt toujours et trop souvent au milieu de la jeunesse et de l’âge mûr, sans attendre le grand âge, et beaucoup sont atteints par la maladie ou doivent accompagner des proches frappés par la maladie ou bien par une certaine dégénérescence plus ou moins liée à l’âge ou par des accidents qui les privent de leurs forces et de leur autonomie. Que nous aimerions pouvoir d’un mot, d’un geste, d’une prière, soulager, libérer, guérir, comme le Seigneur Jésus l’a fait et comme certains saints ont pu le faire à sa suite !

Mais le récit de ce jour nous fait entendre une distinction. Les 10 lépreux sont guéris de leur mal, seul celui qui revient vers Jésus s’entend dire : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ! » Être guéri est une chose, hautement désirable, mais être sauvé en est une autre, et qui le désire ? Que signifie « être sauvé » ? Comment le désirer, par delà la guérison d’une maladie physique ou psychique ? Jésus ne dit pas que les 9 autres ne seront pas sauvés mais, à l’homme qui revient vers lui, il peut le dire avec toute sa force. Or, frères et sœurs, vous l’avez remarqué : l’homme qui revient est un Samaritain, un « étranger », dit Jésus de lui. Pourquoi saint Luc note-t-il cela ? En réponse au cri des dix hommes, Jésus les a envoyés se montrer au prêtre. Le livre du Deutéronome et le livre du Lévitique, traitant des lépreux, demandaient qu’ils se laissent examiner par un prêtre capable de reconnaître s’ils étaient vraiment atteints par la lèpre et bien s’il s’agissait d’autre chose, et capable de constater une éventuelle disparition des symptômes. Jésus se conforme donc à ce que l’on appelle la loi de Moïse. Mais le lépreux samaritain, lui, peut craindre que le prêtre juif ne veuille pas s’occuper de lui. Les Samaritains descendaient de colons installés en Palestine par les Assyriens à la place des Israélites déportés, et les Juifs du temps de Jésus ne voulaient pas de contact avec eux. Les lépreux, n’ayant plus rien à perdre, pouvaient vivre ensemble, Juifs et Samaritains mélangés, mais une fois guéris, seraient-ils capables de conserver les liens de solidarité dont ils avaient vécu dans le malheur ? Les laisserait-on faire d’ailleurs ? D’une certaine façon, le Samaritain n’a d’autre choix que de revenir vers Jésus pour louer Dieu. Jésus, lui, ne se contente pas de voir dans ce geste une sorte de nécessité : il exalte ce geste comme un geste plein de vérité, un geste qui vient du fond du cœur et du corps de cet homme, une liberté dans l’action de grâce dont il fait un modèle pour toute l’humanité. Le salut n’est pas seulement dans la guérison, il est plus encore dans la capacité de reconnaître le bienfait reçu et de se tourner vers l’auteur de ce bienfait. Le salut consiste à reconnaître joyeusement sa dette à l’égard de Dieu et à s’accepter donc comme débiteur de Dieu, sans crainte, sans chercher à se préserver. L’action de grâce n’est pas un prix que l’on paie pour un service reçu, ce qui permet d’être quitte à l’égard de celui ou de celle qui a rendu ce service. L’action de grâce est une attitude intérieure qui consent à ne jamais s’éteindre. Toujours, nous pouvons être émerveillés de ce que nous avons reçu, de Dieu ou d’autres êtres humains qui nous ont fait du bien et dont nous nous réjouissons d’être les débiteurs pour toujours.

Allons encore un peu plus loin. Le Samaritain lépreux puis guéri revient vers Jésus. Or, qui est Jésus ? Quelqu’un de notre humanité, Dieu venu jusqu’à nous mais être pleinement, totalement, sans réserve, l’un de nous, Dieu se faisant notre frère à tous. Il va vers la Passion ; il va être mis à mort, il va mourir pour nous, pour chacun de nous et pour nous tous, et il va ressusciter pour nous tous, en faveur de nous tous. Saint Paul l’a dit en quelques mots à Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts, le descendant de David : voilà mon évangile », voilà, ma bonne nouvelle pour toi et pour tous les êtres humains jusqu’à la fin des temps. Jésus est le descendant de David, c’est-à-dire l’un de nous, un membre de notre humanité. Lui est ressuscité d’entre les morts. Lui, l’un de nous, a été vainqueur de la mort pour qu’en lui, nous le soyons tous, tous ceux « que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui et dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle. » Sommes-nous, frères et sœurs, capables de nous réjouir toujours de ce que celui-là, Jésus, soit ressuscité d’entre les morts ? Sommes-nous capables de puiser dans la mémoire de sa Résurrection, de la force, de l’espérance, de l’énergie, pour notre vie de chaque jour ? Certes, nous portons des maladies ; certes, la mort nous frappe, avec son injustice parfois atroce ; certes, nos vies sont parfois environnées d’inquiétudes ou de déceptions ; certes, nous avons des motifs de nous dire malheureux et d’être tristes. Mais, lui, Jésus, a été l’un de nous, et il est ressuscité, non pas pour lui seulement, mais pour nous entraîner avec lui. Dans chaque eucharistie, nous faisons mémoire de sa mort et de sa résurrection « jusqu’à ce qu’il vienne » et nous louons le Père qui nous a donné son Fils afin que celui-ci fasse de nous ses frères et ses sœurs pour l’éternité et dès ici-bas, si nous voulons bien l’écouter et le suivre et nous laisser saisir par lui.

Les cloches de l’angélus nous rappellent chaque matin, chaque jour à midi, chaque soir, que Dieu est venu habiter parmi nous. Les cloches de la messe nous invitent, sans parole, joyeusement, à venir célébrer le Ressuscité et à louer Dieu le Père parce que celui-là qui avait été rejeté par les hommes est ressuscité, non pour lui seulement mais pour tous. Parfois nous avons des motifs personnels de louer Dieu, parfois nous peinons à en trouver, mais toujours nous pouvons le louer pour Jésus en qui il se fait si proche de nous et par la mort et la résurrection de qui il vient nous prendre, même dans les pires malheurs, pour nous ouvrir le chemin de la vie éternelle. Frères et sœurs, nous sommes appelés à vivre dans la louange du Père à cause de Jésus, nous sommes appelés à vivre dans l’action de grâce parce que ce Jésus-là, l’unique en notre humanité, a vaincu la mort totalement non pas pour lui seul mais aussi pour nous tous. Dans toute la mesure où nous savons nous réjouir pour Jésus, nous pouvons trouver de la lumière pour notre vie, même dans les épreuves. Lors de nos visites, nous avons tous été impressionnés de découvrir chez beaucoup d’entre vous, frappés par de nombreuses épreuves, une force lumineuse, une paix intérieure, une charité capable de s’occuper des autres au lieu de se replier sur soi qui nous ont impressionnés. Avec vous, ce matin, pour vous, dans le Christ Jésus, notre Seigneur, nous en rendons grâce à Dieu le Père,

                                                                                        Amen.

+ Eric de Moulins-Beaufort


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