Homélie du 13 novembre 2022, en l’église Saint-Maurice, à Reims, messe Ad Altum - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 15 novembre 2022

Homélie du 13 novembre 2022, en l’église Saint-Maurice, à Reims, messe Ad Altum

Homélie pour le 33ème dimanche du Temps ordinaire, le 13 novembre 2022, en l’église Saint-Maurice, à Reims, messe Ad Altum.

Frères et sœurs, sans doute beaucoup d’entre vous, en entendant cet Évangile ou en le lisant pour se préparer à la Messe de ce dimanche, ont-ils frissonné en réalisant à quel point les paroles de Jésus tombaient à pic sur la situation qui est la nôtre aujourd’hui.

Lorsque nous contemplons notre civilisation, nous pouvons admirer bien des beautés, bien des réalisations riches de solidarité, bien des prouesses technologiques qui rendent la vie agréable, mais nous sentons que la réponse de Jésus pourrait venir, cinglante : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » De la crise écologique ou climatique à la guerre nucléaire, en passant par le phénomène des migrations dont les deux premiers facteurs peuvent être la cause, les motifs d’inquiétude quant à l’avenir du monde et de notre planète et de notre espèce, sont nombreux.

Lorsque nous regardons notre Église, le frisson peut se faire plus fort encore. Comment entendre le prophète Malachie : « Tous les arrogants… seront de la paille. Le jour qui vient les consumera… Il ne leur laissera ni racine ni branche », alors que vous avez appris les fautes commises par deux évêques et qu’on vous annonce qu’il y en a trois encore, tous hors fonctions aujourd’hui qui font l’objet d’instruction de la part de la part de la justice ? A l’inquiétude sur l’avenir de l’Église, déjà grande, s’ajoutent la colère, la honte, la déception.

Le grand secouement que le Seigneur annonce : « Il y a aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayant surviendront, et de grands signes venus du ciel », paraît se réaliser devant nos yeux et nous entraîner en lui.

Pourtant, il nous faut entendre la promesse que le Seigneur Jésus formule au milieu de ces prédictions de fin d’un monde : « Cela vous amènera à rendre témoignage… C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. » N’imaginons pas ici des miracles, des guérisons ou des délivrances miraculeuses. Nous n’avons pas encore à souffrir de persécutions violentes, physiques, faites de coups et de tortures. En revanche, nous souffrons de voir le regard des autres sur nous, catholiques, ou sur notre Église, locale ou universelle ; devenir un regard de compassion ou d’apitoiement ou un regard de mépris ou un regard de peur. Or, frères et sœurs, le langage et la sagesse dont parle Jésus ne sont pas forcément des mots. Ce langage et cette sagesse que le Seigneur promet de nous donner sont plutôt à chercher dans le comportement des chrétiens, dans une certaine qualité, une qualité certaine, dans les relations interpersonnelles, dans l’attention délicate aux autres, dans la capacité à se décentrer de soi pour vivre au service des celles et ceux qui nous sont confiés, un certain sens de notre misère humaine et non moins de la grandeur qui nous est promise.

Il est facile de voir les pierres du Temple tomber. Il y a quelque chose de désespérant et de fascinant à voir des évêques se comporter comme des immatures sexuellement. Mais il est plus vivifiant de repérer les époux chrétiens, qui s’aiment délicatement, qui ont appris l’un par l’autre à se regarder chastement, c’est-à-dire sans recherche de domination, et à entrer en relation avec les autres de la même manière. Il est plus vivifiant de remarquer les professionnels qui s’efforcent d’accomplir leur tâche avec sérieux, avec honneur, mais mieux encore d’y insuffler quelque chose de la charité, c’est-à-dire de l’amour qui consiste à s’intéresser aux autres avant de se complaire en lui-même. Il est plus vivifiant de regarder dans notre vie à chacun les moments où nous avons pu aller plus loin dans la vérité, la justice, la paix, devant les hommes et devant Dieu. Il y a, passé un certain âge, une certaine complaisance à se lamenter sur les jeunes, la faiblesse de leurs engagements, leur manque de fiabilité… Il est plus vivifiant de regarder comment les jeunes sont généreux, de sentir vibrer leur désir de vérité, de beauté, de don de soi, d’accueil du don de Dieu, de répondre à l’appel de Jésus, de se laisser toucher et saisir par lui, renonçant parfois à beaucoup pour servir les pauvres, prêts à partager ce qu’ils ont reçu en abondance. Il est aisé et nécessaire de regarder et de dire ce que tel prêtre peut avoir de caractériel ou ce qu’il ne travaille pas suffisamment. Il est plus vivifiant d’essayer de comprendre son chemin spirituel et ce qu’il a voulu donner pour être à Jésus et le donner à connaître et à aimer. En cette journée mondiale des pauvres, ce mystère nous est rappelé : aucune grandeur humaine ou terrestre n’impressionne le Dieu vivant, pas même celle de son Église. Ne comptons guère sur lui pour les préserver. En revanche, tout être humain qui ne s’accroche pas à ce qu’il a mais qui consent à être toujours mieux ce qu’il est peut entendre cette parole : « Pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement. »

Alors, frères et sœurs, oui, notre monde, notre humanité, notre cosmos sont soumis à rude épreuve. Des changements de mode de vie assez radicaux s’imposeront peut-être à nous. Certains peuples en souffrent déjà et viendront cherche refuge chez nous. Tout notre système économique et social est mis à mal, de près ou de loin. Notre Église est secouée, ballotée, comme jamais nous n’aurions imaginé qu’elle puisse l’être. Elle est mise en cause et peut paraître aux yeux de beaucoup pour une institution qui fait le mal et non le bien. Pourtant, il nous faut entendre la parole du Seigneur : « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » Les institutions peuvent être mises à mal et même rasées comme le fut le Temple de Jérusalem, à 70, par le futur empereur Titus ; mais notre suite du Christ, elle, rien ne devrait l’empêcher. Toujours, en tout moment, il nous appelle à porter sa bonté, sa paix, sa vérité, au milieu de ce monde, en chacun de nos actes. « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » : le Seigneur ne nous appelle pas à ne nous soucier que de notre salut personnel, au détriment de tous les autres. Il nous appelle à persévérer, dans notre chemin personnel, pour que, du chaos de l’histoire, marqué par les contradictions de ce monde et les fautes des hommes, puisse sortir le monde nouveau. Sans cesse Dieu œuvre pour susciter les saints et les saintes ignorés de presque tous mais qui portent en eux l’avenir éternel de l’humanité.

Mieux encore. Il nous faut entendre ce que le Seigneur nous dit : « C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. » Lorsqu’il prononce ces paroles, il s’apprête à le faire : donner un langage et une sagesse à laquelle nul ne pourra ni résister ni s’opposer. Il le fera, quelques jours plus tard, dans sa Passion, allant au bout du don de soi pour que les humains vivent, malgré leurs fautes, leurs faiblesses, les drames qu’ils peuvent causer, en se remettant entre les mains du Père, et il dépassera toute contestation par sa Résurrection. Le langage et la sagesse du don qu’il fait de lui-même, il nous les donne, à nous, ses disciples, dans l’Eucharistie que nous célébrons tous ensemble. Il nous y apprend à entrer dans le don de nous-mêmes sans retour intéressé. Il nous y enseigne que l’amour vécu comme don et hospitalité, sans recherche de possession, est la vie véritable, celle qui dure pour l’éternité, et il nous donne le temps nécessaire pour l’apprendre lentement, patiemment, pas à pas, nous relevant dans nos faux-pas.

Frères et sœurs, au milieu des troubles et des tempêtes, entendons sérieusement l’appel du Seigneur et celui que saint Paul, son apôtre, nous relaie. Jésus nous prévient : « Ce ne sera pas encore la fin ». Inutile de rêver être débarrasser du grand travail à accomplir. Saint Paul, lui, veut éviter que les chrétiens, obnubilés par la fin des temps cessent de travailler et se comportent en parasites de la société. Mais le travail qu’il évoque est aussi le travail spirituel que chacune et chacun doit accomplir au long de sa vie. Dans la tempête, ne ménageons pas notre peine. Dans le trouble, osons nous tenir au langage et à la sagesse du Seigneur, le langage de la Croix, la sagesse de l’Eucharistie, du sacrifice vécu comme don et remise de soi au Père. Croyons : « Celui qui persévèrera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé », lui et toutes celles et tous ceux que Dieu appelle avec lui ou avec elle,

Amen.


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