Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le 12ème dimanche du Temps Ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 22 juin 2021

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le 12ème dimanche du Temps Ordinaire

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le 20 juin 2021, en l’église d’Herpy-l’Arlésienne pour le retour de la cordelière de sainte Claire, la profession de foi de Maxence, Clémence, Lisa et Jules et la confirmation de Hugo Giot.

Nous partons en promenade en mer ou à la montagne ou même à la campagne. Soudain, la mer forcit, l’orage se déclare, quelqu’un tombe ou le courant nous emporte. La sortie pourrait tourner en catastrophe, mais quelqu’un dans le groupe garde son calme, organise les autres, apaise les esprits, rend courage à chacun et, finalement, de retour sains et saufs, de ce qui aurait être un drame reste un souvenir fort et la gratitude pour celui ou celle grâce à qui tout a bien tourné. Nous avons tous en mémoire une histoire de ce genre. Elle nous aide à ressentir ce qui a pu habiter les disciples de Jésus. Que la vie de chacun de nous soit comme une traversée en barque, sur une mer ou un lac qui peut être d’huile parfois et à d’autres moments nous menacer, nous le comprenons bien. Nous avançons dans la vie, parfois facilement, parfois en étant secoués, parfois en ayant peur de tout perdre, non pas sur un sol plan et solide, mais sur une mer qui peut changer de nature.

Dans l’évangile selon saint Marc, cet épisode intervient après le discours en paraboles sur les bords du lac de Tibériade, la mer de Galilée. Jésus a parlé aux foules en paraboles, tout en expliquant davantage les choses à ses disciples. Ensuite, il veut aller sur l’autre rive, vers le pays des païens et non plus en Israël. Sur le lac ou sur l’autre rive et encore au retour se produisent quelques événements qui sont comme des paraboles en acte. Les disciples ont quelque chose à comprendre au-delà de l’événement lui-même. Jésus, dans cette traversée, habitue ses disciples à la vie avec lui par delà sa présence physique. Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps, il nous accompagne toujours, en tous les moments, mais souvent comme un passager endormi. Nous aimerions qu’il prenne la barre, qu’il calme les flots et le vent ; lui nous demande de lui faire confiance, de ne pas douter de sa présence, de ne pas douter que sa volonté est bien de nous conduire sur l’autre rive. Notre vie peut être bouleversée par des événements divers, certains violents, destructeurs. Ici, à Herpy comme ailleurs dans notre région, on se souvient comme la guerre est arrivée de manière soudaine et a tout détruit. Que fait le Seigneur, où se trouve-t-il ? Il est embarqué avec nous, parfois très discrètement. Son action ne se repère pas toujours, mais il fait en sorte qu’aucune vie humaine ne soit perdue, qu’aucune vie humaine ne soit sans fruit. Il agit surtout pour que se lèvent des personnes qui représentent l’humanité en son meilleur. Même la guerre, même la maladie, même les violences de la nature ou les violences humaines ne peuvent l’empêcher totalement.

La traversée en barque est aussi une parabole de la vie de l’Église. Elle traverse la mer de ce monde, pour aller vers l’autre vie, porter à tous la bonne nouvelle mais les vents contraires se déchaînent, les personnes ne sont pas toujours prêtes à recevoir l’annonce du salut. C’est ce qui est arrivé à Jésus. Le déchaînement de la tempête était comme une manière de l’empêcher de parvenir sur l’autre rive, de rencontrer les païens, les non-Juifs, pour leur apporter ce que Dieu veut donner à tous. Mais si Jésus a pu maîtriser le vent et les flots, il n’a pu forcer les libertés humaines. Saint Marc, si vous avez la curiosité de relire son évangile aux chapitres 4 et 5, nous rapporte comment Jésus qui a apporté tout le bien qu’il pouvait a dû se résoudre à revenir d’où il était parti. L’heure n’était pas venue d’aller à la rencontre des non-Juifs. Le grand don de Jésus était trop fort pour eux, en quelque sorte. Nous connaissons cela, frères et sœurs, en notre temps, sans avoir besoin de franchir des océans. Autour de nous, beaucoup ne veulent plus recevoir ce que Jésus a à donner. Ils ne veulent même pas s’y intéresser un moment. Nous portons notre témoignage mais il ne les impressionne pas plus que cela. Cela même fait partie de l’annonce de la bonne nouvelle. Il ne faut pas nous inquiéter qu’il y ait du refus, de la résistance, de l’indifférence. Jésus a fait face à cela. Il porte, il supporte, toute la gamme des réactions des libertés humaines. Jamais il n’a laissé croire que la barque de l’Église allait avancer sur les flots de la vie de l’humanité sans rencontrer de tempêtes. Au contraire : il nous a assurés qu’il était là, avec nous, dans les tempêtes et qu’aucune puissance, visible ou invisible, de la terre ou du ciel, ne pourrait tout à fait empêcher sa bonne nouvelle de rejoindre les humains, le grand bien qu’il veut faire à toutes et à tous d’atteindre ses destinataires.

La barque agitée dans la tempête est une figure aussi bien de notre vie à chacun : ma vie est comme une barque et les tempêtes peuvent être des événements extérieurs : la guerre, les coups du sort, la maladie, la mort, mais aussi des agitations intérieures : la peur, la lassitude, la colère,… ; elle est aussi, la barque, une figure de l’histoire de l’humanité qui tâche de progresser d’un temps à l’autre et une figure de l’Église qui est envoyée en ce monde porter une bonne nouvelle de salut mais qui se heurte à bien des tempêtes, des résistances, des refus et aussi au péché de ses membres qui l’affaiblit beaucoup.

Le sage cependant, nous l’avons entendu, confesse que Dieu a mis une limite aux forces du mal. Si déchaînées soient-elles, elles ne peuvent avoir le dernier mot de l’histoire humaine. Il fait dire à Dieu : « Je dis : ‘’Tu viendras jusqu’ici ! Tu n’iras pas plus loin, ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots !’’ » et les disciples de Jésus professent : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? ». Saint Paul, lui, nous livre le secret des tempêtes que nous traversons. Quelle est la bonne nouvelle dont il nous est donné de vivre et que nous avons à porter : « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous, et qu’ainsi tous ont passé par la mort. » Jadis, dans un pays comme le nôtre, tous étaient saisis d’amour en contemplant le Christ Jésus qui a donné sa vie pour tous. Aujourd’hui, beaucoup se demandent à quoi cela peut bien leur servir. Ils se le demandent d’autant plus, nous nous le demandons d’autant plus que la conséquence que saint Paul dévoile nous inquiète un peu : « Car le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » La vie de chacun est pleine de beaux aspects, de réalisations réjouissantes, mais aussi d’aspects décevants, d’actes dont nous ne sommes pas toujours fiers, et nous croyons que Jésus meurt à cause de cela, pour que, en notre existence à chacun, au bout du bout de notre vie, ces actes honteux ou peu glorieux, petits ou grands, ces aspects décevants, soient recouverts, transformés, transfigurés par la force de son amour livré jusqu’au sang qui nous purifie. Mais l’homme contemporain répugne à ne pas avoir sa vie centrée sur lui-même ; l’homme contemporain répugne à ne pas pouvoir être fier de tout ce qu’il a fait, même le plus obscur ; l’homme contemporain, et nous en sommes aussi, n’aime pas devoir la plénitude de sa vie à un pardon et pas seulement à des félicitations.

C’est pourquoi, frères et sœurs, nous sommes heureux et fiers d’accompagner aujourd’hui Hugo, notre frère, qui demande le sacrement de la confirmation. Lui a compris que la grandeur, la beauté, la fécondité de sa vie, pouvaient lui être données par un autre, par l’Esprit que Jésus a laissé pour nous en mourant et en ressuscitant. Lui, Hugo, a compris que son existence, ses réalisations, ses projets, avaient tout à gagner à être remis à l’Esprit-Saint, car Jésus nous connaît chacun mieux que nous ne nous connaissons, que lui, Jésus, peut faire de nos vies tout à fait ordinaires, des vies de fils et de filles du Père, vivant dans l’action de grâce et cherchant à faire le bien non à partir d’eux-mêmes mais de l’amour de Dieu pour nous. Nous sommes heureux et fiers d’accueillir les Clarisses de Cormontreuil et vous êtes heureux et fiers de retrouver la cordelière de sainte Claire : car les religieuses expriment en notre nom à tous la réaction la meilleure, la plus forte, de l’humanité face à l’amour dont elle est aimée : « L’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous ». Un tel saisissement d’amour fut le moteur de la vie nouvelle de François d’Assise et est le moteur de nos Sœurs Clarisses. Notre diocèse est aussi heureux et fier de rendre grâce pour Maxime Labesse qui sera ordonné diacre cet après-midi à Carignan en vue du sacerdoce et pour Guillaume Pennaforte et Alexandre Lapie qui seront ordonnés diacres permanents dimanche prochain. Eux nous assureront désormais que le Seigneur Jésus est toujours avec nous, ou plutôt, à travers eux et leur ministère, le Seigneur Jésus nous assure qu’il est là, embarqué avec nous, dormant peut-être mais présent et confiant en son Père pour que nous puissions, nous aussi, ne pas avoir peur mais avancer dans la foi.

Frères et sœurs, il y a en nos vies bien des tempêtes possibles, extérieures et intérieures, mais Jésus, le Seigneur, nous assure qu’il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Ce n’est pas en vain. Jamais ne nous manquera ce fait extraordinaire : « un seul est mort pour tous », un seul, le seul parfaitement innocent de tout mal commis en ce monde, a donné sa vie pour que tout le mal commis ne nous écrase pas, ni individuellement ni collectivement. Il le fait seul mais en nous associant à lui. Avançons donc, stimulés ce matin par Hugo, par Maxime, par Guillaume, par Alexandre. Réjouissons-nous d’être « conduits au port » que nous désirions, et rendons grâce à Dieu « de ses merveilles pour les hommes »,

                                                                                                               Amen.


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