Homélie du 10 et 11 août 2024, pour le 19ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 26 août 2024

Homélie du 10 et 11 août 2024, pour le 19ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour la messe du 19ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le samedi 10 août en l’église Saint-Gervais-Saint-Protais de Jort et le dimanche 11 août 2024 en l’abbatiale de Saint-Pierre-sur-Dives

Dimanche dernier, frères et sœurs, nous avions pu, en méditant la première partie du grand discours que Jésus a adressé à la foule dans la synagogue de Capharnaüm, au lendemain du jour où il avait distribué cinq pains et deux poissons à plus de 5000 personnes, à la lumière aussi de l’actualité, contempler le fait que vivre n’est pas survivre ; vivre, c’est se donner et partager. Dieu, en Jésus, nous donne justement une nourriture qui ne vient pas nous aider à survivre, à refaire nos forces du jour au lendemain ; il se fait lui-même notre nourriture intérieure pour que nous apprenions à vivre en nous donnant et en partageant. Ce dimanche, la liturgie de la Parole me semble nous inviter à approfondir notre réflexion en franchissant un pas de plus. La suite même du discours de Jésus, après que ses auditeurs murmurent entre eux, y appelle.  Vivre n’est pas seulement survivre, c’est se donner et partager, c’est donc rencontrer. Nous nous rencontrons les uns les autres et Dieu ne se préoccupe pas tant de nous nourrir que de nous rencontrer et de nous apprendre à le rencontrer, lui. S’il est vrai que la grande promesse de Dieu ne se symbolise pas par une bacchanale dans laquelle nous fusionnerions en transgressant toutes les normes, mais par la Cène où Jésus se donne lui-même à tous et à chacun pour nous unir à lui en nous habitant, en quelque façon, de sa propre capacité d’être aimé par le Père et de nous aimer, alors toute rencontre ici-bas est une anticipation de la rencontre éternelle et une préparation à celle-ci.

En tout cas, lorsque Jésus se désigne à la foule comme « le pain qui est descendu du ciel », il exprime son désir et sa volonté de rencontre. Il ne tombe pas du ciel, il en descend, par un acte libre, volontaire ; il est envoyé par le Père et donné par lui, mais il assume entièrement cet ordre et ce don. Il descend, il vient vers nous et pour nous. Il vient nous rencontrer et, mieux même, il se fait le pain que ceux qui se rencontrent pourront partager. Il est à la fois celui que nous pouvons rencontrer et la nourriture à partager dans cette rencontre. C’est pourquoi il peut avoir l’audace étonnante de dire : « « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Qui mange de ce pain en vérité, qui l’assimile mais surtout se laisse assimiler par ce pain qui est Jésus lui-même dans l’acte où il descend, où il vient à notre rencontre, celui-là ou celle-là nourrit en lui ou en elle ce qui sera notre vie éternellement, ce qui devrait être dès ici-bas la substance même de notre vie : la rencontre d’autrui.

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Beaucoup des paroles de Jésus dans ce grand discours peuvent sonner à nos oreilles de manière un peu énigmatique. Il reprend une prophétie d’Isaïe, le grand prophète, et aussi peut-être de Joël, un des douze prophètes dits « petits prophètes ». Cette prophétie proclame : « Ils seront tous instruits par Dieu ». Mais que peut bien vouloir dire : être instruits par Dieu, alors que nous ne voyons pas Dieu, que nous ne l’entendons pas non plus tout à fait comme on entend un voisin ou un enseignant ? La liturgie nous a offert d’entendre le récit de la fuite d’Élie dans le désert. Après avoir triomphé des prêtres de Baal sur le sommet du Mont Carmel et les avoir fait massacrer, il fuit la vengeance de la reine Jézabel (je ne sais si tout le monde ici connaît cette histoire, une des plus saisissantes de l’histoire d’Israël), il s’en va dans le désert, apparemment sans but bien défini sinon la mort mais Dieu va le conduire à la montagne où il pourra le rencontrer. Or, dans cette rencontre, Dieu lui fait comprendre qu’il n’est pas le dieu du massacre de ses ennemis, qu’il n’est pas le dieu de la violence en retour de la violence subie. Il ne vient ni dans l’ouragan ni dans le tremblement de terre, mais dans le « fin silence d’une brise légère ». Mais, pour arriver à cette rencontre bouleversante, Élie a une longue route à faire à pied. Nous avons entendu comment Dieu par son ange prend soin de lui. L’ange, le messager, l’envoyé, intervient une première fois et Élie découvre près de lui « une galette cuite sur les pierres chaudes et une gourde d’eau » ; puis l’ange le touche une seconde fois pour le réveiller à nouveau. Le texte ne nous dit pas si Élie trouve une autre galette ou reprend de la même, en tout cas, à nouveau, « il mangea et il but » ; car l’ange insiste sur le fait que le chemin sera long et qu’il faut prendre des forces. Ainsi en va-t-il de nous, frères et sœurs. Le chemin de notre vie terrestre est long, même si pour certaines ou certains, nous le jugeons bien trop court. Ce chemin est long car apprendre à rencontrer Dieu et à nous rencontrer les uns les autres en vérité, d’une rencontre qui puisse être éternelle et nous rendre vivants avec une intensité maximale, c’est un long et délicat apprentissage.

L’épisode d’Élie nourrit au désert nous assure que Dieu, le Dieu vivant, nous donne au long de notre marche la nourriture dont nous avons besoin. Parfois, elle nous paraîtra riche et abondante et variée, comme un festin, mais souvent elle sera comme « une galette cuite sur les pierres chaudes et une gourde d’eau », peu de choses en vérité, une nourriture sobre, minimale, mais suffisante pour que nous allions plus loin. Jésus se présentant comme la nourriture de la vie éternelle ne se compare pas à un banquet de viandes grasses et de vins capiteux, mais à la manne du désert et à un pain tout simple. C’est pourquoi, parfois, nous sommes déçus par ce que nous recevons ainsi ; comme les Hébreux dans le désert nous nous lassons de cette nourriture qui finit par nous paraître trop austère, et pourtant, elle nous prépare réellement à l’intensité de vie à laquelle nous sommes appelés et nous aspirons et elle seule nous y prépare. Tant d’autres choses, tant d’autres aspects de nos vies, nous apparaissent comme des nourritures indispensables, des aliments qui ajoutent à la variété et au charme de nos vies, mais qui ne peuvent durer ni être partagés avec tous ni servir à la rencontre de tous. Le pain, lui, ne prétend pas pouvoir être toute la nourriture, il ne prétend pas absorber tout ce que le fait de se nourrir signifie, mais il est la base indispensable, en tout cas, il l’était pour un Juif de Palestine au temps de Jésus, ce avec quoi beaucoup d’autres nourritures peuvent être prises, comme l’eau n’est jalouse d’aucune autre boisson et permet de profiter de boissons au goût plus attirant. Toute l’histoire d’Israël, toute l’histoire de l’Alliance de Dieu avec ce peuple, toutes les Écritures, toute la création aussi si nous savions l’observer et nous en nourrir, tout nous instruit de la part de Dieu. Toute parole, toute lumière, tout événement, si nous savons les prendre et nous en nourrir comme Élie de « la galette cuite sur les pierres chaudes » et de « la gourde d’eau », tout nous instruit intérieurement de la part de Dieu pour nous apprendre à nous laisser rencontrer et à être rencontrer.

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Alors, frères et sœurs, recueillons précieusement, comme une part du pain promis, l’exhortation de l’apôtre saint Paul que l’Église, dans sa liturgie nous fait entendre aujourd’hui : « Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. » J’ai presque honte, frères et sœurs, de redire ces mots tant tout cela paraît évident, paraît être ce que l’on apprend aux enfants ; mais il suffit de lire quelques morceaux, quelques miettes, de ce qui circule sur les réseaux sociaux, pour se rendre compte que de telles attitudes habitent les pensées de beaucoup de nous et se traduisent facilement en actes ou en paroles. Ne laissons pas de telles nourritures nous abîmer intérieurement : elles nous déforment et nous empêchent de nous rencontrer les uns les autres et de rencontrer Dieu. Entendons ce que l’Apôtre nous partage, lui qui s’est nourri du Christ Jésus, et écoutons et réécoutons ces paroles comme on mâche soigneusement un pain un peu sec mais nécessaire : « Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. » Frères et sœurs, l’Eucharistie que nous recevons, que nous partageons, dont nous nous nourrissons, n’est pas une chose inerte, elle n’est pas un objet que nous consommons pour en faire ce que nous voulons ou pour refaire nos forces pour marcher toujours dans notre propre direction, elle n’est pas un aliment que nous avalons sans trop y penser : elle est un « pain vivant », « le pain vivant », Jésus lui-même qui nous aime et se livre pour nous, s’offrant en sacrifice au Père comme un parfum d’agréable odeur, et se faisant notre nourriture pour nous apprendre à vivre de même à notre tour, en imitant Dieu qui est en lui-même rencontre éternelle du Père et du Fils et du Saint-Esprit et qui veut nous intégrer, chacune, chacun, et tous ensemble dans cette rencontre, à jamais,

Amen.

                                                                                                                                                                             


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