Homélie du 10 décembre 2023, pour la messe grégorienne - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 11 décembre 2023

Homélie du 10 décembre 2023, pour la messe grégorienne

Homélie pour le 2ème dimanche de l’Avent, année B, le 10 décembre 2023, messe grégorienne en la cathédrale Notre-Dame de Reims

« Une voix proclame », « voix de celui qui crie dans le désert ». Frères et sœurs, de nombreuses voix se font entendre autour de nous. De nombreuses voix s’élèvent de toutes sortes de manières, dans le monde de bruits, de sons, de prises de paroles dans lequel nous vivons. Voix qui annoncent la crise climatique, voix qui décrivent les horreurs des guerres en cours, voix qui dénoncent les fractures sociales, voix qui s’inquiètent de l’avenir de notre système social, voix qui dénoncent les comportements de tel ou tel, voix qui réclament des droits nouveaux ou prétendus tels… Vers laquelle nous tourner en priorité ? A laquelle accorder notre attention ?

Et ce matin, la liturgie nous fait entendre la voix du prophète : celle d’Isaïe, prophète ancien d’Israël, voix de Jean le Baptiste qui crie dans le désert, la même voix répétée à huit siècles de distance. Voix qui annonce une bonne nouvelle et nous invite à nous disposer pour elle : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. » Quelqu’un vient, quelqu’un dont nous pouvons attendre joyeusement la venue, quelqu’un dont la venue nous comblera de joie et dont, déjà, l’annonce de l’arrivée toute proche nous relève, nous fortifie, nous remet sur nos pieds. Alors que l’horizon paraît souvent bouché, alors que l’humanité semble éclater sous des coups de boutoir nombreux, le prophète et l’évangile qui le reprend annoncent que l’histoire débouche sur une rencontre, que le cours de l’histoire humaine, celle de chacune ou de chacun et celle de tous, pourrait être le segment ultime qui nous réunira à celui qui vient au-devant de nous, celui que tous attendent même si tous ne le connaissent pas ni ne le désirent, mais que tous seront heureux d’accueillir lorsqu’il sera là : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. » Comment pouvons-nous aujourd’hui prêter l’oreille à une parole d’espérance ?

Car celui dont nous allons fêter bientôt la naissance viendra aussi dans la gloire. Toute notre vie chrétienne, toutes nos vies de chrétiens se comprennent comme un élan vers cette venue glorieuse, celle dont nous disons en chaque Eucharistie : « Nous attendons ta venue dans la gloire » ou encore : « Nous attendons la bienheureuse espérance, l’avènement de Jésus-Christ, notre Seigneur. » Nous, chrétiens, n’attendons pas des catastrophes : tous les humains peuvent les voir venir et s’y préparer. Nous n’attendons pas des conflits, des drames, des guerres, des violences : elles se produisent toujours et plaise à Dieu que nous n’en soyons pas la cause, même un peu. Nous, nous attendons, nous espérons, la venue de Quelqu’un, une venue que nous ne pouvons pas provoquer mais à laquelle nous pouvons nous préparer et préparer l’humanité entière et le cosmos, une venue que, selon le mot audacieux de saint Pierre, nous « hâtons », nous. La rencontre que nous visons ne se vit pas seulement un par un, chacun à son tour au  moment de la mort ; elle se prépare, elle s’anticipe, dans chaque geste dans lequel nous accueillons ou donnons plus grand que nous : chaque geste de bonté ou de service d’autrui ouvert à ce que cet autrui a d’unique ; chaque action qui nous met au service d’une réalité plus grande que nous ; tout renoncement à un égoïsme, à un repli sur soi-même, renoncement qui nous oriente vers une relation plus riche, plus dense, entre les êtres humains, tout cela et bien d’autres choses encore, nous tourne déjà vers l’avènement dans la gloire.  Le moindre geste vers celui qui vient, le moindre mouvement intérieur qui nous dispose pour lui, même sans que nous le sachions, déjà anticipe cette rencontre, puisque la voix a retenti dans le désert. Cette rencontre n’est pas non plus seul à seul : elle concerne l’humanité entière et le cosmos entier, et nous avons été choisis pour que et l’humanité et le cosmos se préparent en nous à cette rencontre totale : « Car ce que nous attendons, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. » Tout sera repris, tout sera intégré, tout l’immense effort des humains vers la paix, la justice, la vérité, vers plus d’amitié et de respect mutuel, tout sera repris. Ce n’est pas oublier qu’il y a de la violence et du mal et de l’injustice et de la souffrance en ce monde. Il y en a, et Dieu sait en quelles proportions redoutables. Mais rien, cependant, ne peut empêcher, malgré les apparences contraires, que s’accomplisse « la promesse du Seigneur ».

Alors nous pouvons comprendre peut-être ce que dit le prophète : « Parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. » Notre humanité peut-elle prétendre plaire à Dieu, peut-elle prétendre réjouir son Créateur ? Notre époque n’est pas assez religieuse pour que nous percevions tout ce qui se passe mal comme des signes ou des traces du mécontentement de Dieu, à moins que cette incapacité ne vienne de ce que nous avons une haute idée de Dieu et que nous ne confondons pas sa colère ou sa déception avec les nôtres. Dans la bouche et sous la plume du prophète, ce qui compte est l’annonce de l’absolution : déjà, vous avez reçu, déjà nous avons reçu, double punition pour nos fautes. Dieu ne vient pas à notre rencontre pour manifester encore davantage le péché, mais pour dévoiler son pardon et son amour, pour nous donner ce qu’il n’avait pu encore donner mais qu’il voulait partager avec ceux et celles qui sont le plus loin. Nous vivons cela, nous, chrétiens, par le sacrement du pardon. Là, dans la rencontre du prêtre et du pénitent s’anticipe la venue glorieuse de Celui qui est déjà venu, « non pour condamner mais pour guérir », non « pour être servi mais pour servir. » Là, celui qui se confesse met devant le Seigneur qui vient sa vie en vérité et il reçoit la visite du Juge qui est avant tout le Sauveur. Cela ne dispense pas de la justice humaine et cela ne supprime pas les faiblesses de tempérament et les faiblesses morales, mais c’est déjà la promesse que celles-ci n’auront pas le dernier mot et qu’il est possible à tous de se laisser saisir par le Seigneur qui vient et qui viendra.

Aujourd’hui, frères et sœurs, nous croyons, nous, nous savons qu’il est venu déjà remplir notre condition humaine de sa présence bienfaisante et nous célébrons en chaque Eucharistie cette venue première. Nous la célébrons aussi en chaque Noël, non pas comme l’anniversaire d’un fait qui devient chaque année plus ancien, mais comme un fait dont les effets se poursuivent et se renouvellent aujourd’hui encore, parce qu’il nous rend, lui, capables d’aller à sa rencontre, de « préparer son chemin », de « rendre droits ses sentiers ». Profitons des semaines de l’Avent qui nous restent. Comme chaque année, mieux encore que l’an passé, laissons-nous attirer par celui qui nous est annoncé. Faisons passer sous lui tout ce qui constitue notre vie. Alors, nous le vérifierons : « Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles »,

                                                                                                                  Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.