Homélie des 23-24 novembre pour la solennité du Christ, roi de l'univers, et la confirmation des lycéens - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 27 novembre 2019

Homélie des 23-24 novembre pour la solennité du Christ, roi de l’univers, et la confirmation des lycéens

Homélie pour la solennité du Christ, roi de l’univers, année C, le samedi 23 novembre 2019, confirmation des lycéens en l’église Saint-Nicolas de Rethel et le dimanche 24 novembre 2019, confirmation des lycéens en l’église Saint-Symphorien de Witry-les-Reims

« Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Aucune parole plus forte, plus puissante, n’est jamais sortie de la bouche d’un être humain. Jésus y concentre toutes les paroles de puissance qu’il a déjà prononcées et que nous recueillons au long des évangiles : « Lève-toi, prends ton brancard et marche », « Tes péchés sont pardonnés », « Va, et désormais ne pèche plus ». Lui seul peut dire cela. Aucun empereur, aucun roi, aucun chef politique ne peut ainsi promettre la vie pour toujours, même si, en un sens, Hitler et Staline et Mao Zedong s’y sont essayés, chacun à sa manière, mais au prix de tant de morts et de violences. Aucune puissance économique, aucun entrepreneur, aucun artiste, même le plus talentueux, ne peut le dire en vérité, même si certains ont l’audace folle, parfois, de s’en approcher. « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Jésus peut dire cela, non pas comme une promesse pour obtenir quelque chose d’un être humain, mais comme la promesse du Dieu vivant, la promesse contenue en toute vie, et Jésus seul peut rendre cela vrai mais aussi juste et bon.

Car, frères et sœurs, lorsque nous contemplons cette scène, comme saint Luc nous y invite et la liturgie nous le propose en ce jour, il nous faut voir que celui à qui Jésus parle ainsi est un malfaiteur. Il a fait le mal, il le sait, et sa grandeur est de pouvoir le reconnaître. En lui promettant le « paradis », « aujourd’hui », Jésus lui annonce aussi le pardon, c’est-à-dire une transformation intérieure telle qu’il pourra vivre pour toujours en Dieu, comme Dieu, en étant source d’émerveillement, de vie, de joie pour les autres et non plus un fauteur de mort et de troubles. Jésus lui promet aussi que le mal qu’il a pu faire sera en quelque sorte rattrapé, que celles et ceux que ses méfaits ont fait souffrir pourront lui pardonner, car que serait le Paradis s’il fallait y vivre dans le remords constant des fautes commises et que serait le Paradis s’il était l’oubli de ce que l’on a pu faire. Jésus, crucifié, met son poids dans la balance, en quelque sorte, pour qu’il soit vrai et juste et bon que cet homme-là soit avec lui, « aujourd’hui », dans le Paradis. Ainsi s’exerce la royauté du Christ, celle que l’Église célèbre au terme de l’année liturgique.

Le pape Pie XI, en instaurant cette fête, a voulu mettre sous les yeux de tous ce que l’apôtre Paul chante au terme de sa vie apostolique : « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel ». La royauté du Christ ne consiste pas à constituer ici-bas un royaume, une entité politique et économique et sociale, qu’il dominerait et qu’il administrerait de la manière la plus juste possible. La royauté de Jésus consiste à réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux, malgré l’incroyable capacité qu’ils ont – que nous avons – à nous faire du mal les uns aux autres, parfois même en voulant faire le bien. Elle consiste à aller nous chercher, tous et chacun, au fond de notre liberté, pour susciter le mouvement qu’il faut de repentir et d’espérance, celui qu’exprime le malfaiteur crucifié à côté de Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » La puissance souveraine de Jésus s’exerce lorsqu’il permet à un être qui a fait le mal d’entrer dans la vie éternelle, en devenant source de vie et non plus de mort pour les autres. En célébrant le Christ, roi de l’univers, nous célébrons notre foi que l’histoire de l’humanité débouche dans la victoire du Créateur, dans la rencontre de tous les êtres dans la paix, par-delà toutes les oppositions dont l’histoire terrestre est remplie.

La première lecture nous a fait entendre l’appel des tribus d’Israël, les tribus du Nord, à David qui s’était imposé depuis quelques années comme roi des deux tribus du Sud. Quel est l’enjeu de ce récit ? La réconciliation entre les deux parts du peuple d’Israël, de la descendance d’Abraham, d’Isaac et de Jacob facilement ennemies. Telle est une manière biblique de dire le drame de l’existence humaine : les frères risquent toujours de transformer leurs différences en motifs d’affrontement. Comment des frères peuvent-ils se partager l’héritage sans se méfier les uns des autres, sans que l’un cherche à s’emparer d’une part plus grande que celle des autres ? Jésus, nous avons entendu saint Paul l’affirmer, meurt pour cela. Il livre sa vie pour faire du don de soi, de son renoncement à sa gloire divine, la force, la puissance, qui pourra surmonter les forces d’opposition entre les hommes. Lui, le Messie promis à Israël, il est venu non seulement pour Israël mais, à travers Israël, pour tous les hommes de toutes races et cultures : « Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel ». Par sa mort, il nous révèle comment nos oppositions, même les plus anodines en apparence, sont porteuses de mort, et il nous promet que, malgré tout, la force de son Esprit peut nous conduire à la réconciliation.

Alors, frères et sœurs, nous avons la joie que se tiennent parmi nous des jeunes gens qui demandent à recevoir le sacrement de confirmation. Ils demandent que Dieu, le Dieu vivant, le Père qui envoie son Fils dans le monde pour partager notre condition humaine et qui nous fait don de l’Esprit, confirme en eux ce qu’il a fait d’eux par le baptême : ses fils et ses filles bien-aimés. Au milieu de leurs camarades, au milieu de leur génération, ils sont prêts à vivre dans la lumière et la force du Christ. Chers amis, vous demandez ce matin au Christ, roi de l’univers, de vous prendre parmi les siens, de vous donner la force de son Esprit pour que vous viviez en ce monde en témoins de l’espérance et en acteurs de la paix. Ce sont d’immenses perspectives et elles pourraient vous paraître écrasantes. Vous êtes, avant tout, des jeunes hommes et des jeunes femmes, désireux de mener leur vie le mieux possible, de manière heureuse pour vous et bienfaisante pour ceux qui vous entourent ou que vous rencontrerez, et c’est déjà beaucoup. Vous sentez bien que vous êtes appelés à vivre avec une perspective différente de celle de beaucoup de vos camarades : avec l’espérance fondée que les êtres humains sont faits pour vivre pour toujours, que le pardon et la paix l’emportent à la fin de l’histoire, que la réconciliation entre les hommes est possible et qu’elle apporte plus de joie que toutes les dominations, que le pouvoir et l’argent et le confort ne suffisent pas à remplir un cœur humain et que le don de soi et le service des autres sont plus réjouissants que la possession. EN ce jour, vous recevez l’assurance que vos vies individuelles participent à une œuvre globale de salut. Ce que vous ferez dans le sens du Christ et qui vous paraîtra parfois être peu de choses, jaillit de la victoire du Christ et contribue à sa grande victoire qui est de pouvoir dire à tout être humain, le jour venu : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ».

Notre rassemblement eucharistique, comme tout rassemblement eucharistique, préfigure la Jérusalem céleste que nous avons chantée dans le psaume : « Quelle joie quand on m’a dit : ‘’Nous irons à la maison du Seigneur !’’ Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! C’est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur. » EN chaque rassemblement eucharistique, nous célébrons notre espérance de la communion de tous les êtres humains dans la vie pour toujours, dans l’« aujourd’hui » du Paradis du Christ Seigneur. Votre présence au milieu de nous nous réjouit car vous venez nous rejoindre pour porter, discrètement et fortement, en ce monde l’espérance formidable que le roi de l’univers n’est ni l’argent, ni le violent, ni le diable, mais le Christ, « le premier-né d’entre les morts », celui qui, cloué sur la croix, a le pouvoir de dire au malfaiteur : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ! » De ce roi-là, nous sommes heureux d’être les serviteurs et les amis, et de l’être désormais avec vous,

Amen
+ Éric de Moulins-Beaufort


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