Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le premier dimanche de l'Avent - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 30 novembre 2020

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le premier dimanche de l’Avent

Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent, année B, le 29 novembre 2020, dans la chapelle de la maison de la Conférence des évêques de France, à Paris.

« Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! » La consigne est claire, frères et sœurs. Nous sommes des éveillés et nous sommes appelés à le rester ; nous sommes des serviteurs et nous avons des tâches à accomplir, des travaux à mener à bien. Quelqu’un, au moins quelqu’un, compte sur nous. Nous ne sommes pas ici-bas par hasard, ni pour y perdre notre temps, ni pour errer au hasard. Il y a un moment, un moment à attendre : faut-il le craindre ? faut-il le désirer ? Ultimement, ce moment est celui de notre mort, et chaque moment de notre vie pourrait être celui de notre mort. Nous pouvons vivre cette condition avec angoisse et trouble, mais le Seigneur Jésus nous invite bien plutôt à être attentif à tout moment parce que tout moment pourrait un moment où il viendrait à nous. Ce moment, nous pourrions le laisser passer et ce serait dommage ; nous pourrions le manquer, et ce serait une complication de plus dans l’histoire du monde, dans l’histoire du salut du monde.

A tout moment peut venir à nous une rencontre, un appel, une opportunité, une occasion d’aller plus loin dans notre service d’être humain, de faire un pas de plus en direction de celui ou de celle que nous sommes appelés à être. Quelqu’un nous demande un service ; un devoir se fait plus exigeant ; une rencontre nous séduit et pourrait nous détourner de notre chemin ; un plaisir se dessine, attirant, auquel il faudrait que nous sachions renoncer pour un bien plus grand. Chaque moment peut nous appeler à un renoncement qui ne devrait pas être une frustration mais l’occasion pour nous de confirmer le chemin que nous avons choisi de parcourir ; chaque moment peut nous appeler à un geste de plus, un pas nouveau, inattendu, qui nous fait aller plus loin ou plus haut, passer d’un chemin de promenade à un chemin de crête, pour mieux accomplir notre tâche d’être humain. « Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

C’est un appel grave que Jésus nous adresse. Mais tout grave et sérieux qu’il soit, nous pouvons l’entendre joyeusement. L’image du maître qui part en voyage et confie la gestion de ses biens à ses serviteurs met l’accent sur la responsabilité donnée à ceux-ci, c’est-à-dire à nous : « Il a donné tout pouvoir à ses serviteurs ». Il vaut la peine d’entendre saint Paul décrire cela à ses chers Corinthiens : « Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus » et il détaille cette grâce donnée et reçue : « En lui, – c’est-à-dire en Jésus-, vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu », et encore : « Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. » Facilement, frères et sœurs, nous voyons ce qui nous manque, nous souffrons de ne pas sentir assez la présence du Christ, de ne pas voir sa puissance se manifester à nous par des signes palpables, de ne pas rencontrer dans nos communautés la charité ardente dont nous rêvons légitimement ; nous sommes déçus aussi de nous heurter toujours, malgré des années d’efforts, aux limites de nos tempéraments, de voir ré-émerger une colère, un égoïsme, une crispation dont nous avions pu croire un moment être sortis… Écoutons en ce dimanche l’Apôtre s’émerveiller des richesses qui sont en nous, de la présence et de l’action de l’Esprit-Saint plus présent en nous que nous ne le savons, de la foi, l’espérance et la charité qui sont plus actives en nous, non pas à cause de nous mais par le don du Christ, que nous ne pouvons le mesurer. Osons avancer alors, et recevoir chaque jour nouveau comme une occasion d’un pas vers la lumière : « C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ ». Cette affirmation, cette promesse, est pour nous, pour vous, pour chacun et chacune de nous ; il nous faut la recevoir avec confiance.

Il y a mieux encore : si nous tombons, si nous chutons, si nous nous laissons prendre dans le piège de la tentation, si nous cédons à notre envie, à notre colère, à notre ressentiment, si nous nous laissons aveugler par telle concupiscence, nous pouvons nous tourner encore vers le Seigneur. Nous pouvons nous confier à lui par le sacrement du pardon et c’est encore une manière de laisser sa grâce triompher en nous. On dit facilement qu’aller se confesser n’est pas facile, est humiliant ; mais, frères et sœurs, la capacité de dire notre péché, la lucidité pour le désigner, est en nous un don de l’Esprit-Saint, elle est en nous le fruit de sa présence et du lien intime créé par le Christ mort et ressuscité entre lui et nous. Tant que nous sommes capables de désigner notre péché et de confesser la miséricorde de Dieu, nous sommes en chemin dans le Christ, nous sommes établis en lui, nous grandissons dans la connaissance et de nous-mêmes et de Dieu. Le prophète Isaïe le pressentait : il osait dire à Dieu que le peuple d’Israël était pécheur mais que, précisément à cause de cela, il fallait que Dieu ne cesse de descendre vers lui et de se rendre proche de lui. Nous vivons cela, frères et sœurs, dans le Christ qui est Dieu ayant « déchiré les cieux » pour nous rejoindre.

En fait, frères et sœurs, la joie à laquelle l’Avent nous appelle est celle exprimée si fortement par le prophète Isaïe : « Maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main ». A travers les événements de nos vies, nos pas en avant et nos résistances, voire nos pas de côté, Dieu ne cesse de nous façonner. Réjouissons-nous d’être « l’ouvrage de sa main », d’être façonnés par lui, non pas seulement burinés par les coups du sort ou caressés par les succès et les douceurs de la vie, mais travaillés, polis, limés, par Dieu, qui ne cesse d’œuvrer pour que nous soyons à son image et ressemblance,

                                                                                                    Amen.


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