Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le 9 octobre 2022, en l’église des Dominicains de Revin, confirmation d’adultes et de lycéens. - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 11 octobre 2022

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le 9 octobre 2022, en l’église des Dominicains de Revin, confirmation d’adultes et de lycéens.

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le 28ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 9 octobre 2022, en l’église des Dominicains de Revin, confirmation d’adultes et de lycéens.

En août dernier, j’ai pu aller voyager au Vietnam pour découvrir le pays natal d’un prêtre de notre diocèse, le P. Paul Nguyen qui fut un temps à Sedan et est maintenant responsable de l’Espace missionnaire Reims-Nord, rencontrer sa famille, rencontrer aussi le lieu d’origine des Sœurs Amantes de la Croix de Go Vap qui sont arrivées à Aÿ-Champagne depuis trois ans. AU cours de ce voyage, j’ai été conduit dans un village de lépreux. Il y reste quelques lépreux et leurs familles. Ce lieu garde la mémoire d’un prêtre français qui l’avait fondé avant la seconde guerre mondiale, qui a été ensuite en charge de l’archidiocèse de Saïgon pendant la guerre, et qui, vers 1954, s’est découvert lui-même atteint par la lèpre. Il a alors présenté sa démission et demandé à pouvoir retourner dans le village qu’il avait fondé. Il y a fini ses jours, 15 ans après, lépreux parmi les lépreux. Ce fait nous signale à tous que la lèpre sévit toujours, bien qu’elle se soigne plutôt bien. C’est une maladie qui défigure, rongeant peu à peu les extrémités des doigts, des yeux… On y a vu en Israël une figure expressive de la défiguration de l’humanité que produit le péché. Mais Jésus y ajoute clairement que, si la lèpre comme maladie dévoile quelque chose de l’effet du péché, le lépreux lui-même n’est pas forcément un pécheur caractérisé. La lèpre ne peut lui ôter sa dignité de fils ou de fille d’Israël appelé à devenir fils ou fille du Père. Même le risque de contagion, bien réel pendant des siècles, ne saurait justifier que les lépreux soient considérés comme des rebuts du peuple saint, incapables de porter la sainteté de Dieu. Les malades, de quelque maladie qu’ils soient atteints, ne sont pas plus ou moins que nous les objets de la colère de Dieu. Au contraire, la grâce du Christ est prête à les rejoindre pour qu’ils soient, guéris ou malades, des membres à part entière du peuple de Dieu, contribuant à leur place à l’œuvre du salut, c’est-à-dire à l’œuvre du rassemblement de l’humanité dans la communion avec Dieu.

Or, que s’est-il passé ce jour-là à la frontière entre la Galilée et la Samarie, au Nord d’Israël ? Dix lépreux se sont approchés de Jésus et l’ont supplié à distance ; tous les dix, il les a envoyés vers les prêtres du temple de Jérusalem, pour que ceux-ci les examinent et constatent leur purification, comme le prescrivait la loi de Moïse. Mais, lorsqu’il constate qu’il est guéri comme les autres, l’un d’eux revient vers Jésus, un Samaritain. Lui n’aurait sans doute pas été reçu par les prêtres, considéré comme impur par naissance, non par sa lèpre seulement mais par son appartenance ethnique. Que signifient alors les paroles de Jésus ? Il constate que la guérison, qui aurait dû les réunir tous dans une même action de grâce et une même transformation de leur vie, les distingue au contraire, les sépare. Celui que les autres avaient supporté parce qu’il était rejeté comme eux de la communauté ordinaire des humains, ne peut plus rester avec les autres, une fois guéri. C’est dire que l’œuvre du salut est chose complexe. Il ne suffit pas de surmonter les dégâts de la nature, les maladies, les handicaps, il faut aussi délivrer l’humanité de tout ce qui la constitue en portions qui se distinguent les unes des autres et s’opposent les unes aux autres, y compris pour des raisons religieuses. La religion d’Israël le mettait à part des autres peuples parce que l’alliance avec Dieu l’appelait à une sainteté supérieure qu’il ne pouvait espérer garder qu’en se tenant à distance des autres, surtout de ceux qui auraient pu sembler proches, comme les Samaritains. Jésus, lui, nous renvoie à notre commune humanité, avec ses grandeurs, ses douleurs, des épreuves qui sont les mêmes pour tous, quelles que soient nos appartenances religieuses ou ethniques ou nationales ou notre condition sociale. Être sauvé par Jésus n’est pas être conforté dans une identité quelconque qui nous sépare des autres, c’est être introduit dans une relation nouvelle, celle de fils ou de fille du Père, dans laquelle Dieu le Créateur aspire à attirer tous les humains, d’où qu’ils viennent et quels que soient leurs appartenances naturelles, tous appelés à se dégager du péché qui divise et à s’ouvrir à la charité qui nous décentre de nous-mêmes et nous rend ouverts les uns aux autres.

Naaman, le général syrien, dont nous avons entendu l’histoire en résumé en première lecture, commençait à comprendre cela. Le Dieu d’Israël l’a guéri, parce qu’il est le Dieu de tous, et d’abord des lépreux et de ceux qui souffrent, et qu’il compte sur Israël pour intercéder pour tous. Saint Paul, l’apôtre de Jésus, le comprend mieux encore. Il accepte d’être incompris et rejeté et même mis en prison, peut-être mis à mort un jour, pour pouvoir annoncer à tous que Dieu les appelle à une vie nouvelle. Il a consenti à être le serviteur de l’œuvre de Dieu qui s’adresse à tous les humains et touche celles et ceux qui y consentent, sans se préoccuper des appartenances qui les parcellisent, en voyant seulement leurs besoins et leurs disponibilités à devenir frères et sœurs de tous.

Alors, me direz-vous, quel rapport avec la confirmation ? Aucun, de manière directe. Mais beaucoup cependant. Car vous vous approchez de Jésus pour lui demander ce que lui seul peut vous donner et vous le laissez s’approcher de vous pour vous partager ce qu’il a de meilleur pour les humains. Il ne vous promet aucune guérison physique, il ne vous garantit aucun succès ici-bas, mais à chacune et chacun de vous, qui que vous soyez, si différents que vous soyez, il est prêt à donner son Esprit-Saint qui vous rendra capables de mener ici-bas le bon combat, le combat qui vous fera devenir, avec toujours plus de vérité, si vous le menez avec persévérance, des fils et des filles du Père, portant au milieu de ce monde marqué par la mort et la peur qu’elle suscite, marqué par le manque et l’angoisse qu’il fait naître, marqué par la jalousie et par l’envie qui séparent les humains les uns des autres, sa bonté, sa douceur, sa vérité qui ne nous laisse pas dans le mensonge.

Frères et sœurs, réjouissons-nous avec nos sœurs et nos frères qui vont être confirmés. Joignons-nous sans réserve à leur action de grâce. Au cœur de notre Messe du dimanche, de notre Eucharistie, c’est-à-dire notre action de grâce de chaque semaine, ils nous sont donnés à un titre redoublé pour des frères et des sœurs. Leur joie est notre joie, leur sanctification est notre sanctification. Rendons grâce avec eux au Seigneur Jésus, le seul devant qui nous ayons à nous prosterner : qu’il nous unisse à lui et par lui au Père et à tous les autres,

Amen.


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