Homélie de Mgr Celestino MIGLIORE, nonce apostolique Cathédrale de Reims 4 juin 2023 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 5 juin 2023

Homélie de Mgr Celestino MIGLIORE, nonce apostolique Cathédrale de Reims 4 juin 2023

Homélie de Mgr Celestino MIGLIORE, nonce apostolique Cathédrale Notre-Dame de Reims, dimanche 4 juin 2023

Je remercie votre archevêque, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, de m’avoir invité à prier avec vous aujourd’hui, autour de la belle figure de Sainte Jeanne d’Arc. Je salue cordialement les autorités publiques, civiles et militaires, et tous les fidèles réunis ici pour rendre grâce au Seigneur de nous avoir donné Sainte Jeanne d’Arc, cette sainte que vous et moi aimons tant.

Avec mon accent italien, vous comprenez que je ne suis pas français. Mais il n’est pas nécessaire d’avoir la même nationalité que Sainte Jeanne d’Arc pour en admirer la grandeur, l’exemple et la force inspiratrice qui transcendent la géographie et les temps.

Chaque année, vous célébrez cette fête avec une forte participation, solennité et ferveur spirituelle et civique. En fait, nous avons besoin de respirer la vérité des bonnes histoires : des histoires qui nous édifient et ne détruisent pas ; des histoires qui nous aident à retrouver nos racines et la force pour aller de l’avant ensemble. L’époque dans laquelle nous vivons réclame que nous identifiions le bien et que nous le racontions.

La chevauchée de Jeanne d’Arc et de ses troupes en direction de Reims, durant deux semaines, n’a pas été une agréable promenade. Il s’agissait d’une action de conquête qui, bien que caractérisée par de laborieux pourparlers de soumission, ne s’est pas faite sans de nombreux sacrifices de la part des personnes impliquées.

Quel est donc le bien qui ressort de cette aventure au dénouement heureux, qui se conclut par le couronnement du roi Charles VII, « monstrant que vous estes vray roy, et celluy auquel le royaulme de France doibt appartenir », comme le déclara Jeanne d’Arc en rendant hommage à son roi ?

Pendant que les derniers pourparlers se déroulent, Jeanne d’Arc, dit-on, prie à l’église. Finalement, le roi signe des lettres de patente par lesquelles il abolit les peines, amendes et confiscations prononcées à l’encontre des habitants de Reims et pardonne généreusement aux Rémois d’avoir collaboré avec les occupants, parce qu’ils ne pouvaient faire autrement.

La première lecture de cette fête de la Trinité, par l’exemple de Moise, illustre bien l’action de Dieu en Jeanne d’Arc. « Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna. Il dit : S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la nuque raide ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. »

Jeanne d’Arc couronne sa mission par l’icône de la loyauté politique et de la fidélité religieuse.

Elle apparait tout d’abord comme une fille de Dieu et de la Patrie, comme le soulignent les prières de la messe invoquant ainsi Jeanne d’Arc : « Dieu qui a suscité admirablement Jeanne pour défendre la foi et sa patrie». Ceci fait écho à l’évangile d’aujourd’hui : « Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. ».

De ses parents, qui étaient des paysans aisés, Jeanne a expérimenté dès son enfance la présence de Dieu dans la vie quotidienne et la compassion envers les plus pauvres, dans le contexte dramatique de la guerre.

Jeanne fut avant tout une personne chrétienne qui a toujours placé Dieu en premier : « Dieu premier servi. La voix de Dieu m’a appris à bien me diriger ».

Croire en Dieu n’est pas seulement croire que Dieu existe ; croire en Dieu, c’est croire que Dieu intervient dans l’histoire, dans ma vie personnelle et sociale.

Jeanne avait une très forte conscience de sa dépendance existentielle envers Dieu. Elle savait parfaitement que la voix de Dieu était à l’origine de sa vie, de son autoréalisation, parce qu’elle la mettait en mouvement selon la volonté de Dieu et nourrissait en elle la croissance humaine, spirituelle. Elle a expérimenté que se mettre à genoux devant Dieu nous met debout, parce qu’il veut pour nous le meilleur.

Trop souvent nous comprenons la dépendance envers Dieu de manière négative. Nous avons développé une telle intolérance à la seule évocation de la notion de dépendance que le mot est piégé. Aujourd’hui, il est synonyme de la négation de la grandeur de l’homme libre, libéré de toute contrainte culturelle, traditionnelle, religieuse ou sociale. Nous ne pouvons pas concevoir une dépendance qui puisse être bénéfique. Et pourtant, paradoxalement, la dépendance envers Dieu nous rend profondément libres, parce que lui seul peut nous guider vers notre bien.

Jeanne, peut-être dans une expérience mystique, a entendu des voix venant d’en haut. Nous n’avons pas d’expériences mystiques, mais nous avons une référence sûre pour connaître la voix de Dieu : la Bible, dans laquelle nous trouvons la Parole de Dieu.

En fait, quand nous cherchons un sens à notre vie et à ce qui se passe autour de nous, quand nous sommes perdus ou fatigués, nous expérimentons qu’en prenant en main la Parole de Dieu, elle nous éclaire, nous illumine, nous régénère par sa force puissante. Dans tous ces moments, c’est toujours la Parole de Dieu qui reconstruit en nous la foi, l’espérance, la résilience.

Accepter que Dieu fasse irruption dans l’histoire et dans notre propre vie n’est jamais une chose facile.

Jeanne a été continuellement contrariée et elle a connu plus d’épreuves que de consolations. À la fin de sa vie, elle a senti vaciller en elle la foi en sa mission. Elle a vu l’Église la condamner. Elle a dû surmonter cette épreuve par une purification de la foi, un abandon en Dieu seul. Et, élément important pour elle et pour nous qui regardons son exemple, elle dit que dépendre de Dieu ce n’est pas s’effacer en le laissant tout faire, c’est prendre pleinement ses responsabilités. Ce sont ces deux dimensions qui l’ont rendue si active et audacieuse, intrépide.

Jeanne d’Arc nous incite à espérer. Chez elle, la fécondité de l’espérance est aussi vérifiable. Les voix qu’elle avait entendu de manière mystique et qui lui avaient dit leur souci du Royaume de France ne l’ont pas trompée sur l’achèvement de sa mission.

Lors de l’interrogatoire du 14 mars 1431, un juge lui pose cette question : « Puisque vos voix vous ont dit que finalement vous iriez en paradis, tenez-vous pour assuré d’être sauvée et de n’être pas damnée en enfer ? » Elle affirme : « Je crois fermement ce que mes voix m’ont dit, à savoir que je serai sauvée, aussi fermement que si j’y étais déjà. » – « Après cette révélation, croyez-vous que vous ne puissiez pécher mortellement ? » – « Je n’en sais rien, mais du tout je m’en rapporte à Dieu. » On lui dit : « Cette réponse est d’un grand poids. » Elle répond : « Aussi je le tiens pour un grand trésor. »

Jeanne d’Arc est la patronne de la France, des soldats, des prisonniers, de ceux qui ont besoin de courage, de ceux dont on se moque pour leur foi et des jeunes. D’une certaine manière, la patronne de chacun de nous.

Rendons grâce à Dieu et prions par l’intercession de sainte Jeanne d’Arc.


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