Homélie du 22 septembre 2024, pour le 25ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 23 septembre 2024

Homélie du 22 septembre 2024, pour le 25ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour le 25ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 22 septembre 2024, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

Frères et sœurs, dans les évangiles que l’on dit synoptiques parce qu’on peut, en les écrivant côte à côte, constater qu’ils suivent à peu près la trame du récit, un tournant décisif a lieu après la confession de foi de Pierre sur le chemin de Césarée. Nous avons entendu proclamer cet épisode il y a deux dimanches. Une fois que Pierre a répondu : « Tu es le Christ », c’est-à-dire le Messie attendu par Israël, celui qui est si plein de l’Esprit de Dieu qu’il peut conduire le peuple de Dieu vers la justice et la paix, Jésus commence à annoncer sa Passion : il va être rejeté, souffrir, être mis à mort avant de ressusciter. Un hiatus se crée alors aussitôt entre Jésus et ses disciples les plus proches. Nous connaissons la réaction de Pierre et la réponse de Jésus, mais au long des événements, il ne cesse de se creuser. Nous en avons l’attestation dans la page d’évangile qui nous est donnée en ce dimanche.

De quoi les apôtres parlent-ils entre eux ? De qui est, parmi eux, est le plus grand. Comment Jésus réagit-il, lui qui sait ce qu’il y a dans leur cœur, ce qui occupe leurs pensées ? Par un geste symbolique, une sorte de parabole en geste : en prenant un enfant, l’embrassant, le plaçant au milieu d’eux, avec ce commentaire : « Qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille. » Jésus ne leur fait ni reproches ni grands discours. Il ne répond pas non plus à la question qui les agite. Il les invite à changer d’attitude, à se décaler par rapport à leur préoccupation première. Il ne s’agit pas d’accueillir un chef ni quelqu’un à qui ses compétences ou ses talents vaudraient une responsabilité sur les autres, il s’agit d’accueillir un enfant en tant que tel. Il s’agit d’accueillir un fils. Jésus est celui qui ne veut être que le Fils du Père.

Alors même qu’il manifeste son autorité, alors même qu’il se présente comme celui qui peut renouveler la vie de chacune et de chacun et de tous, il ne se veut lui-même que le Fils du Père et il invite ses disciples à se regarder les uns les autres comme des fils et à s’accueillir comme cela. Non pas se regarder pour se mesurer et s’évaluer. De manière toute différente : se recevoir les uns les autres parce que nous sommes de simples enfants et, pour cela, nous présenter les uns les autres, non pas avant tout selon nos compétences et nos talents, mais en tant que fils et filles du Père, disponibles pour être accueillis par les autres fils et filles du Père, comme des enfants se présentent les uns aux autres pour jouer et manifestent leur disponibilité à jouer ensemble.

L’Église, frères et sœurs, c’est cela ou ce devrait être cela : avant d’être une organisation structurée par la bonne volonté et l’engagement de beaucoup, elle est une communion de frères et de sœurs, de fils et de filles surtout, qui se présentent les uns aux autres avant tout comme cela : comme des fils et des filles du Père en qui ils mettent leur confiance et leur espérance. Accueillir Jésus, c’est accueillir le Fils unique et éternel, le Bien-Aimé qui nous partage ce qu’il est en son être le plus profond. Nous accueillir les uns les autres comme des enfants, c’est nous réjouir de chacune et de chacun en qui nous recevons quelque chose du Père et de son Messie.

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En ce dimanche de rentrée paroissiale, frères et sœurs, des tâches vont être confiées, des missions vont être données, des besoins d’aide ou de collaboration vous être exprimés. Mais l’essentiel est que vous vous receviez les uns les autres, laïcs ou prêtres, paroissiens de longue date ou nouveaux arrivés, habitants du quartier ou venant de plus loin, comme des fils et des filles du Père, des frères et des sœurs donnés les uns aux autres par l’unique Père et l’unique Seigneur.

En présidant cette Messe, je dois aussi annoncer à ceux et celles qui ne le sauraient pas encore et assumer devant ceux et celles qui le savent, que le P. Thierry Bettler qui était curé de cette paroisse et recteur de cette cathédrale depuis septembre dernier, m’a demandé en juillet une année de repos et que j’ai accepté qu’il la prenne. Je l’ai accepté parce que, depuis la fin du covid, je constate en lui une fatigue de fond, dont il a fait état souvent et dont il n’a pu sortir jusqu’ici. Il se retire donc pour un an, dans le diocèse de Besançon où il aidera, dans un secteur paroissial, le dimanche. Il reprendra aussi pendant cette année quelques études de théologie des religions et de théologie des relations avec les musulmans, ceci à ma demande, car je lui avais demandé d’être mon délégué pour ces relations ici à Reims et dans les Ardennes, c’est-à-dire surtout Charleville-Mézières et la Vallée de la Meuse, réalités qu’il connait bien.

Ce retrait bouleverse l’équilibre déjà fragile trouvé dans votre paroisse Notre-Dame-Saint-Jacques. Le P. Jean-Pierre Laurent, que vous connaissez bien, a accepté de reprendre pour cette année la charge de recteur de la cathédrale, c’est-à-dire les relations avec les autorités concernant la cathédrale, son entretien et sa vie ; il a accepté aussi de piloter l’équipe des prêtres. Je remercie les PP. Maxime Labesse et Marc Diatta pour leur disponibilité généreuse. Je remercie aussi les chanoines, en particulier les PP. Oudinot, Rousselle, Collignon, pour l’aide qu’ils ont accepté d’apporter pour le service sacramentel de la cathédrale. Vous savez la fidélité du P. Jean Larghi à la messe canoniale ; il est par ailleurs chargé de veiller sur les prêtres et les religieuses de la maison Nicolas-Roland. Lorsque le P. Marc sera rentré des vacances auxquelles il avait droit et aspirait, les prêtres et les membres de l’équipe d’animation pastorale fixeront le mode de fonctionnement de cette année.

Deux prêtres ne feront pas le travail de trois. Le diocèse, vous le savez, n’a pas de réserve cachée où aller en puiser. Vous souffrirez donc fatalement d’une moindre disponibilité des prêtres, d’autant qu’il convient de permettre à ceux-ci, surtout aux PP. Diatta et Labesse de se reposer de temps à autre pour qu’ils puissent mieux vous servir. Alors, frères et sœurs, laissons-nous éclairer par la parole de Dieu reçue en ce jour. « Qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, c’est moi qu’il accueille, et celui qui m’accueille ne m’accueille pas moi mais celui qui m’a envoyé. » Jésus ne parle pas ici d’abord de ses apôtres en tant qu’ils sont différents des autres, mis à part, il parle à nous tous, à tous ses disciples. Tous, nous pouvons apprendre à accueillir autrui au nom du Seigneur ; tous nous pouvons apprendre à aller les uns vers les autres au nom du Seigneur. Alors, notre visée n’est pas nous-mêmes, avec nos besoins, nos attentes, nos exigences, mais le Père et Jésus que nous rapprochons les uns des autres. La question qui peut nous éclairer n’est alors plus : qui puis-je ou dois-je accueillir, mais : moi-même comment dois-je me présenter pour qu’il soit vrai que qui m’accueille accueille Jésus ? Quel lien dois-je avoir avec Jésus pour que je puisse apporter un surcroît de sa présence aux autres ? Un prêtre, frères et sœurs, permettez-moi de le dire, ne sera jamais fatigué d’accueillir ceux et celles qui viennent à lui au nom de Jésus. Ce qui parfois épuise, ce qui use aussi le ministère presbytéral, ce sont qui viennent au nom d’eux-mêmes, pour se chercher eux-mêmes.

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Saint Jacques nous avertit sérieusement. Son jugement est rude à entendre. A l’en croire, nous serions tous violents et presque meurtriers ; nous serions tous jaloux et prêts à voler. Les formules de saint Jacques peuvent nous étonner, voire nous scandaliser d’un jugement si brutal et si peu nuancé. Mais il semble qu’il suffise de se promener sur les réseaux sociaux ; il suffit de regarder certains courriers reçus, pour se rendre compte qu’il y a, dans le cœur humain, un degré de violence toujours présent. Personne ne peut s’en dire indemne. Chacun y a sa part. Nous héritons cependant de siècles de civilisation qui nous ont appris à maîtriser ces passions, ces agitations intérieures, mais il nous faut reconnaître qu’il suffit de peu, d’une brèche inattendue, pour qu’un flux de violence et de jalousie parvienne à nous faire agir comme nous ne voudrions peut-être pas. L’Église n’est pas d’abord façonnée par des fonctions confiées à des compétences et des talents, mesurés, évalués, récompensées. Elle est la communauté que nous formons dans l’élan de la suite de Jésus. A chacune et à chacun revient de vérifier qu’il se présente aux autres comme un enfant, non pas en faisant valoir ses réalisations accomplies ou futures, mais comme un fils ou une fille et comme un frère heureux d’agir pour et surtout avec d’autres frères, surtout étonné et émerveillé d’être reçu comme un autre Christ, comme quelqu’un en qui le Seigneur se fait plus présent pour les autres.

Ce n’est pas sans raison que le Messie va vers la Passion. Il va affronter ce qu’il y a de dur dans le cœur humain. Il vient pour cela mettre au jour ce qu’il y a de faussé et de porteur de mort dans la liberté profonde de chacune et de chacun des humains ici-bas. Mais il vient pour soigner et pour guérir ; pour mettre au jour et pour aider à vaincre. Il vient pour transformer les violents que nous sommes tous potentiellement en un peuple de fils et de filles, de frères et de sœurs. Il vient pour subir avec nous et même pour nous le choc de la violence et de la jalousie. Dans chaque Eucharistie, frères et sœurs, dans les gestes si simples et si pacifiques de l’Eucharistie, il vient à nous pour que nous l’accueillons comme des enfants accueillent un autre enfant, pour que nous nous laissions conduire par lui à nous accueillir mutuellement sous l’unique Père. Jamais le Seigneur ne nous tient davantage en lui que lorsque nous participons à son Eucharistie si nous y prenons part de tout notre cœur. Ce que nous apprenons de lui, nous voulons le vivre à l’égard de tous en le suivant, lui, sur le chemin de la croix, jaloux de personne, en colère contre personne, mais désireux de pouvoir accueillir chacun ou chacune en ce qu’il ou elle a d’enfant de Dieu,

                                                                                                                                           Amen.


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