Homélie du 1er septembre 2024, pour le 22ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 3 septembre 2024

Homélie du 1er septembre 2024, pour le 22ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour la messe du 22ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 1er septembre 2024, Messe pour la Foire de Châlons-en-Champagne

Frères et sœurs, peut-être à l’écoute de cet Évangile, certains se disent-ils : « En quoi cela nous concerne-t-il ?  Que puis-je faire de ces histoires archaïques de lavage de mains, de coupes et de plats, de mains impures ou de traditions des anciens qui ne sont pas les nôtres ? » En méditant ce passage, je pensais à celles et ceux d’entre vous qui ne sont pas des habitués de la Messe ni peut-être du texte des évangiles et je me demandais : « Que vont-ils comprendre ? Que vont-ils penser ? »

En fait, frères et sœurs, permettez-moi de le dire ici : en déclarant ce qu’il déclara ce jour-là, Jésus, Jésus de Nazareth, a opéré une révolution dans l’histoire de l’humanité. Plus exactement, il a coupé l’histoire humaine en deux et il a opéré une œuvre de libération formidable dont nous vivons toujours, dont nous vivons tellement que nous ne sommes plus conscients de la liberté dont nous bénéficions grâce à lui. Il a libéré ses disciples une fois pour toutes de toute organisation du monde en pur et en impur. Or, si vous êtes un peu attentifs à ce qui se passe et se vit autour de vous, dans d’autres pays, d’autres civilisations mais surtout dans d’autres religions qui sont aujourd’hui présentes dans notre pays, vous constaterez que beaucoup d’hommes et de femmes se représentent l’univers en classant les êtres en purs et impurs. Attention, l’impureté n’est pas tout à fait la saleté ou la souillure, être impur ne signifie pas être mauvais et donc rejeté ou méprisé ; la pureté n’est pas tout à fait la propreté ; être pur n’est pas forcément être saint et moins encore être bon ou vertueux. Seul ce qui est pur peut s’approcher ou être approché de ce qui est pur ; ce qui est impur on ne s’en approche ou on ne s’en laisse approcher qu’avec des précautions ; si l’on est impur, on ne s’approche de ce qui est pur qu’en se purifiant, ne fût-ce que par une ablution d’eau… Il y a là une organisation du monde, une répartition des êtres qui a sa cohérence et qui, aujourd’hui, est celle de beaucoup de ceux et celles qui avec nous forment l’humanité. Mais Jésus, lui, d’un coup, par la seule parole que nous venons d’entendre, est sorti de cette organisation-là du monde. Ce ne sont pas les choses qui apportent du mal ou du trouble ou du désordre dans le monde, parce qu’elles seraient mal réparties ; ce ne sont pas les choses, ce ne sont pas les autres êtres qui rendent l’homme impur et donc incapable de s’approcher de Dieu, mais « tout ce mal vient du dedans ». « Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. »

Toute la civilisation européenne s’est bâtie sur ce fait-là, que Jésus nous a débarrassé de toute organisation en pur et impur, et c’est pourquoi, je le signale en passant, nous avons tant de mal dans notre pays de France à comprendre certains des besoins de nos frères et sœurs musulmans ou juifs qui, eux, fonctionnent ainsi. Mais il y a une contrepartie. Jésus l’affirme : « C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans et rend l’homme impur. » Les Juifs le savent bien, d’ailleurs, les Musulmans aussi sans doute, mais Jésus, lui, en bousculant une fois pour toutes toute répartition entre pur et impur nous oblige et nous permet en même temps de reconnaître notre responsabilité humaine et d’en exacerber le poids. Ce ne sont pas les choses qui me rendent impur, c’est moi qui me rends impur en devenant méchant ou mauvais. Par conséquent les troubles qui existent en ce monde ne viennent pas d’une confusion entre deux sortes d’êtres, mais, d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, viennent du cœur, de l’engagement d’un ou plusieurs êtres humains. Aucun de nous ne peut se dire purement innocent du mal qui existe dans ce monde, quelle que soit la nature de ce mal, même si la responsabilité de ce mal peut revenir plutôt à tel de nous qu’à tel autre. Le plus important devant Dieu n’est pas de raffiner sur la manière de se laver les mains ou de purifier tel plat, de passer du profane au sacré, même si tout cela peut aider en vue de ce qui compte réellement : ce qui importe est que nous travaillons sur notre cœur, en notre cœur, pour le libérer de tout ce qui relève de l’inconduite, du vol, du meurtre, de l’envie, de la méchanceté, de la diffamation, et encore de l’adultère et de la débauche, pour nous orienter, avec toute notre énergie intérieure vers « le commandement de Dieu » dont nous savons qu’il est à la fois : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », ce que saint Jacques a résumé de manière plus concentrée et symbolique encore en écrivant que « devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse et de se garder sans tache au milieu du monde ». 

Frères et sœurs, la liturgie de la Parole de ce dimanche peut nous paraître porter un message austère. Alors que, pour beaucoup, l’année de travail reprend, il se trouve que nous aurions plutôt besoin de paroles de consolation et d’encouragement. Nous avons besoin d’être rassurés face à l’avenir, nous rêverions d’entendre une prévision un peu optimiste, un peu positive, alors que, malgré l’éclat des Jeux Olympiques, nous éprouvons fortement les résultats d’une récolte globalement médiocre, voire franchement mauvaise, ou les incertitudes de la vie politique de notre pays après le désarroi social exprimé dans les trois tours d’élections de juin et juillet. Mais recevons la parole de Jésus comme cela : elle est une parole qui nous libère de toute fatalité pesant sur nous venue d’on ne sait où ; elle est une parole qui attise notre responsabilité à chacun face au mal qui circule en ce monde mais non pour nous écraser, au contraire : pour nous rendre aptes à le combattre et nous assurer que le moindre de nos progrès, le moindre de nos efforts même vaut pour toute l’humanité ; elle vient, cette Parole, de celui qui est le « présent le meilleur », le « don parfait », pour parler comme saint Jacques, venu d’auprès du Père qui n’est pas un vieillard capricieux, à l’humeur incertaine, mais le Père qui agit sans cesse, depuis l’origine, pour nous libérer de l’esclavage de la mort et qui nous rend aptes, un à un et chacun avec et pour tous les autres de soulever le couvercle de la méchanceté, de la mesquinerie, de la concupiscence, pour aller vers la beauté et la vérité de la rencontre et de la communion. Elle vient, cette Parole, de celui qui a pris notre condition humaine et qui la garde à jamais, car elle n’est pas pour lui impure, elle n’est pas pour lui un piège, elle est pour lui le lieu même où exprimer, par tout ce qui fait la condition humaine, l’amour que Dieu est et dans lequel il nous appelle à entrer.

Il y a loin, penserez-vous, de ces considérations à la Foire qui nous rassemble. Mais non, précisément, si nous savons vivre toutes choses comme il convient, par l’intérieur. La Foire est précisément un lieu de rencontres et d’échanges, elle peut même être un lieu de partages, elle peut le devenir du moins ou rendre des partages possibles qui auront lieu ailleurs, dans la vie quotidienne. Elle est un lieu de fête qui nous aide à voir notre condition humaine non pas sous l’angle du manque et de la mort, mais selon la promesse de la vie qui n’aura pas de fin. Alors, frères et sœurs, attachons-nous au commandement de Dieu, luttons en notre cœur à tout ce qui y est contraire, gardons les commandements prescrits, et réjouissons-nous que l’Eucharistie, déjà, nous fasse entrer dans la terre qui nous est promise,                                                           

                                                                                                                                                  Amen.


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